L’actualité nationale prouve à suffisance la ferme volonté de M. Alpha Condé de « reprendre la Guinée là où Sékou Touré l’avait laissée ». La stigmatisation des Peuhls, la spoliation de leurs biens et leur massacre se poursuit comme cela a été pratiqué durant la sanglante dictature de Sékou Touré. « Reprendre la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée », c’est aussi revenir à ce système qui a assassiné plus de 50 mille fils de la Guinée selon les chiffres d’Amnesty International.
Depuis son accession à l’Indépendance en 1958, la Guinée n’a jamais pu mettre en place un modèle de l’État-nation capable de s’occuper des problèmes de l’entièreté de ses fils. Les dirigeants guinéens ne sont pas parvenus à mettre en place un projet national qui surpasse les solidarités ethniques. L’appareil d’État a été davantage accaparé par une mafia administrative organisée autour d’un groupe ethnique aux principaux postes de responsabilité que par une organisation politique dotée d’un programme de gouvernement. Les dirigeants du pays ont géré l’État de manière patrimoniale. Nous avons eu affaire en Guinée, depuis l’indépendance, à un État prédateur qui s’est mis en place avec des élites dirigeantes ne tenant leur privilège que du bon vouloir d’un pouvoir qui vient d’en haut. Pire, la Communauté mandingue est convaincue que la Guinée est un héritage que lui a laissée les colonisateurs. Elle peut en disposer comme elle veut et les Guinéens sont leurs esclaves et ils peuvent en disposer comme ils veulent. Ils sont taillables et corvéables à merci.
Ainsi, depuis l’Indépendance acquise sur des bases faussées et des élections truquées, la violence et des brutalités inhumaines, la dictature mandingue a imposé aux Guinéens trois présidents malinkés dont le règne a signifié désespoir et dénuement. Et les résultats de cette appropriation injustifiée et injustifiable n’a produit pour nos citoyens que la pauvreté, la misère la plus totale…
La guerre contre la Nation déclenchée depuis plus de soixante ans par l’État a abouti à la fragilisation de cet État. Une fragilisation constatée par le gouvernement de l’actuel Président en novembre 2016 à travers son ministère du Plan avec l’appui des Nations Unies. Le constat fait, rien n’a été entamé pour inverser la tendance. Aujourd’hui l’État guinéen est en quasi situation de non fonctionnement ! Contrairement à ce qui se passe ailleurs en Afrique, le « Problème peuhl » en Guinée n’est pas communautaire. Les Peuhls ne sont en conflit avec aucune autre ethnie en Guinée. Nous avons visité et travaillé dans toutes les préfectures du pays et dans plus de cent quatre-vingts sur les trois cent trois sous-préfectures qu’elle compte. Nulle part, nous n’avons vu et/ou assisté à des conflits inter communautaires.
I- Avant l’Indépendance
Déjà dans les années 1940 et 1950, M. Sékou Touré s’en prenait au Fouta, à ses Peuhls et à leur organisation sociopolitique prétendument féodale. C’est vrai que le Fouta théocratique n’était pas un État républicain, version moderne. Mais quelle est l’ethnie guinéenne qui avait atteint ce niveau ? Les Malinkés ?
Les Peulh, spécialistes en élevage et fortement amoureux de la vache (on a dit d’eux qu’ils sont plus pasteurs qu’éleveurs) sont aussi spécialistes en émigration silencieuse. Ils ont une grande capacité d’adaptation. Ils « collent » au temps, à l’environnement. Les bouviers d’hier sont devenus de redoutables commerçants. Disposant d’une grande propension à épargner, ils savent compter. A côté de chaque vendeur à la sauvette peulh, il y a invariablement deux documents : le Coran et un cahier de compte.
Les Roundenké ont existé au Fouta. Comme les Djonké en Haute Guinée. Depuis le décret colonial du 12 décembre 1905 mettant fin à l’esclavage en Guinée, ces pratiques ont été abandonnées. Les Peulhs, comme les Malinkés se sont adaptés. Par exemple, El Hadj Ibrahima Maaci, le patron des ressortissants du Fouta à Conakry jusqu’à sa mort est, d’origine un roundenké. Diarra Traoré, un des putschistes de 1984, un Djonkè de Haute Guinée, s’est marié à une ex-princesse de Timbi-Tounni, Pita. Aucune Société n’échappe à la hiérarchisation, à la stratification ; y compris la société socialiste. On dit que l’Inde est la plus grande démocratie du monde. Il n’y a pas de pays aussi inégalitaire du point de vue de la stratification sociale. Entre un Dravidien, un Intouchable et un Brahmane, la distance sociale se mesure en années-lumière. Et pourtant la démocratie est là.
Le mythe d’un État égalitaire a jalonné l’Histoire et s’est planté devant les faits. Déjà avec le communisme primitif suivi des socialistes utopistes. Depuis toujours et partout, il y a des gens « en bas » et des gens « en haut ». Cela fait partie de la condition humaine. L’URSS, la Chine Populaire, Cuba ou l’Albanie révolutionnaires étaient fondés sur la Dictature du Prolétariat et furent des sociétés totalement inégalitaires. Tout comme la Guinée révolutionnaire animée par une équipe de truands qui ont passé leur temps à piller, à violer et à tuer des innocents ! Au nom de la Révolution.
En 1957, il organise une campagne de terreur et sème la mort chez les Peulh à Conakry en s’appuyant sur des Momo Jo importés de Freetown. Combien de cadavres de Peulh ont été avalés par les puits de la capitale ?
II- Sous le régime de Feu Sékou Touré et cette liste n’est pas exhaustive
1 –Ledit complot Diallo Ibrahima en 1960 – 1961 a servi de prétexte pour arrêter dans les villages frontaliers du Sénégal des centaines de membres de la communauté Peulh. La majorité de ceux-là a été proprement liquidée à Conakry sans jugement ;
2 –Cheytane 75 : En février 1975, la plus haute autorité du pays a donné l’ordre express aux gendarmes, aux policiers, aux douaniers, aux miliciens, bref à toutes les forces de défense et de sécurité de tirer à vue sur toute personne qu’elles verront à la frontière avec le Sénégal.
De cette date à la fin de 1977, soit trois ans durant, ce fut le grand carnage contre les Peulhs le long de toute la frontière avec le Sénégal. Des milliers de fils du Fouta furent abattus comme des singes avec pour seul crime leur volonté d’aller voir une partie de leurs familles installées au Sénégal. Signalons que le Sénégal et la Côte D’Ivoire étaient les deux pays que Sékou Touré traitait d’ennemis de son régime mais pourtant il n’y a pas eu de tueries le long de la frontière avec la Côte D’Ivoire qui était une région principalement habitée par ses parents malinkés.
3 – Ledit complot Peulh et situation particulière du Fouta en 1976.
Inventé de toutes pièces, le complot peulh a été l’occasion pour le pouvoir d’alors d’arrêter Mr Diallo Tély et beaucoup de cadres originaires de la région, de jeter l’anathème sur l’ensemble de la communauté Peulh et de créer de toutes pièces ce qui a été appelé « le complot Peulh et la situation particulière du Fouta » qui a essentiellement consisté à mettre sur le dos de celle-ci les échecs du régime d’alors, à la stigmatiser aux yeux des autres communautés dans la perspective de perpétrer un génocide.
C’était à l’évidence une incitation officielle à la violence et au génocide. D’autres discours tout aussi violents les uns que les autres suivirent la diatribe ci-dessus. Heureusement, les différentes ethnies du pays n’avaient pas suivi Sékou Touré et ses affidés dans leur volonté ardente de déclencher le génocide contre les Peulhs. Il décida alors l’exclusion pendant plus de deux ans de tous les élèves et étudiants peulhs du bénéfice de bourses d’étude à l’extérieur du pays et interdit à tous les cadres peulhs en fonction au sein de l’Etat d’effectuer des missions en dehors du pays sous prétexte que ce sont les Peulhs qui ont étudié à l’extérieur avec des bourses guinéennes ou qui vont en mission qui refusent de revenir pour devenir des contre-révolutionnaires. En réalité, ce que le régime de Sékou Touré qualifiait à l’époque de « front anti-guinéen » à l’étranger regorgeait de Guinéens de toutes les ethnies du pays partis soit avec des bourses de l’Etat, soit d’eux-mêmes ou pour des missions officielles sans revenir. Nous pouvons citer entre autres parmi ceux qui étaient désignés comme « anti-guinéens » à l’extérieur :
Pour l’ethnie Peulh : Bâ Mamadou, Diallo Siradio, Diallo Thierno etc.
Pour l’ethnie Soussou : Naby Youla, Conté Seydou, David Soumah etc.
Pour l’ethnie Malinké : Alpha Condé, Camara Laye, Dr Charles Diané, Ibrahima Baba Kaké, Mansour Kaba etc.
Pour l’ethnie Forestière : Jean Marie Doré.
Malgré cela, seule l’ethnie peulh a été stigmatisée, accusée et martyrisée par Sékou Touré, entouré de ses parents extrémistes qui étaient les décideurs du pays. Des jeunes étudiants originaires du Fouta admis comme boursiers prêts à s’embarquer même portant des noms de famille malinké furent refoulés à la passerelle de l’avion à l’aéroport de Conakry parce qu’ils n’ont pas pu parler malinké. Il y a eu de nombreux complots, vrais ou faux dirigés par des Malinkés comme en 1964 avec Petit Touré et en 1969 avec le complot dit Kaman- Fodéba dont les meneurs étaient Kaman Diaby et Keïta Fodéba et l’attaque de Keïta Tidiane. Petit Touré tout comme Kaman Diaby, Keïta Fodéba et Keïta Tidiane étaient tous Malinkés comme Sékou Touré !
Cette haine va monter crescendo et, en 1976, atteindre un pic, avec l’appel fait aux autres Guinéens de tomber sur cette Communauté et de la massacrer. Il a continué ainsi jusqu’à la veille de sa disparition, notamment par l’exécution à Mamou d’innocentes personnes dont un handicapé moteur.
– Entre 1958 et la fin du tyran, combien de gamines ont été violées dans le cadre des fameuses « filles de protocole », des fillettes peulhs à peine nubiles livrées aux responsables du Parti de passage au Fouta ? Et, suprême foutaise, ce sont les mêmes violeurs de fillettes peulh qui traitent les femmes peulh de prostituées !
– Violences verbales immortalisées dans les journaux de l’époque : les femmes peulh, des putes ; les gens de Pita, des traitres, des voleurs qui fuient leurs villages pour aller errer, se droguer, se soûler et paresser dans les villes…Les Peulh, c’est la honte de la Guinée.
– On a privé les étudiants peulh de bourses d’études, un autre crime contre les Peulhs dont les conséquences sont incalculables et impardonnables. Combien de ces jeunes gens et jeunes filles ont été débarqués des avions parce qu’ils ne portent pas le bon nom. Ou ne parlent pas maninka, la langue des maitres et seigneurs ? Sékou a volé les impôts payés par les Peulhs et a privé leurs enfants de bourses d’études.
– Dans les années 1975 et 1976 à Mali, il y eu de nombreuses épidémies de maux de ventre et de diarrhées, au début des saisons de pluie. Et pour cause ? Sékou Touré avait lâché dans la zone longeant la frontière sénégalaise, des escadrons de la mort. Avec pour mission de tirer à vue sur toute personne entrant ou sortant du pays, allant ou venant du Sénégal. C’est au cours de cette période que s’est illustré à Mali un triste sire du nom évocateur de « Wara Lila », littéralement traduit « Tuer et sécher au soleil ». De son vrai nom Wouri Foula Diallo, un fils de Lébékéren, une sous-préfecture de Mali. Parce que les gens qu’il tuait et/ou faisait tuer dans la brousse n’étaient jamais enterrés. Il les abandonnait en pleine nature. Leurs dépouilles pourrissaient à même le sol. Ces escadrons de la mort étaient constitués de bandits qui profitaient pour piller leurs doubles victimes. Ils criaient aux victimes venant du Sénégal « Libhou dogââ » c’est-à-dire « laisse tomber (ton baluchon) et fuis ».
Les premières pluies drainaient ces restes vers les cours d’eau. Les riverains de ces rivières venant s’y ravitailler en eau pour la consommation… Bonjour les dégâts, bonjour les diarrhées. Pour le bonheur de Sékou Touré.
Ces escadrons se sont déployés de Balaki, Mali à Koundara, le long du Parc National du Niokolo Koba ou Badiar. Sékou Touré y a commis et fait commettre les pires crimes contre les Peulhs. Il n’y a jamais eu d’enquêtes même après la mort du tyran. Wara Liila lui a survécu et a servi à la garnison militaire de Mali. Il est mort de mort naturelle dans son village en 2010.
Bah Mamadou Lamine