Le 25 janvier, le ministère de la Ville et de l’Aménagement du territoire a accordé 72 heures aux occupants des emprises publiques, notamment à Petit-Simbaya, Taouyah, Kipé (Ratoma) pour libérer les lieux. Là-bas, bâtiments, terrasses de café, restaurants, salons de coiffure, ateliers, kiosques de jeux et de mobile money sont marqués au rouge. Tous ces lieux sont considérés comme des emprises des routes qu’il faut déguerpir. Le 28 janvier, à Petit-Simbaya, plusieurs boutiques, magasins, ateliers et kiosques promus au le déguerpissement sont restés fermés. El Hadj Amadou Doumbouya, riverain, affirme que c’est le lundi dernier que les «agents du ministère de la Ville et de l’Aménagement du territoire sont passés pour marquer les lieux. Mais depuis, les gens semblent moins concernés par le déguerpissement, parce qu’ils sont rares à plier bagages. A la Plaque-bleue ici, je n’ai vu personne prendre ses biens.»

Trouvée derrière sa machine à coudre, Aminata Camara, cheffe de six apprenantes, estime que le délai de 72 heures est trop court pour permettre à tout le monde de remballer ses biens. Dans son atelier, rien n’a été fait pour le départ. «Je n’ai personne pour m’aider et je n’ai pas où aller. Vraiment, ce que le gouvernement veut faire n’est pas bon. On ne peut pas faire nos bagages et trouver où se recaser dans ce laps de temps. Il faut nous accorder deux ou trois mois de préparation. Il y a des voleurs partout. Les gens souffrent, ils sont assis avec leurs marchandises car ils n’ont pas où aller. C’est triste tout cela. Où allons- nous ? Je demande aux autorités de revoir l’affaire ! Depuis que j’ai appris la nouvelle, je ne dors pas, puisque c’est ici que je gagne ma vie. Je suis célibataire, sans parents», raconte-t-elle.

A Taouyah, le négoce de Sanoussy Diallo, vendeur d’accessoires de téléphones, a fait l’objet de trois déguerpissements depuis 2014. Déjà, ce 28 janvier, il a décoiffé son conteneur, retiré les madriers, commencé à plier bagages. «Sincèrement, c’est un truc que j’apprécie beaucoup si c’est dans le but d’élargir la corniche. Mais, si c’est pour nous déguerpir et laisser ensuite à l’abandon les zones, ce n’est pas bon. Car cela pourrait créer des milliers de chômeurs au sein de la jeunesse qui se débrouille pour gagner son pain quotidien », précise-t-il. De renchérir : « On n’a pas trouvé un autre endroit. Mais on est obligé de quitter puisque c’est une décision des autorités. En attendant, nous restons au chômage. Je demande s’ils ont un projet d’élargir la route, de le faire. Sinon, il faut nous laisser-là, ne serait-ce qu’un moment, le temps de trouver où se recaser.»

Selon Frigui Camara, le directeur des micros réalisations à la mairie de Ratoma, c’est un délai de dix jours qui avait été accordé aux concernés. Ce délai a expiré aujourd’hui, mais sur le terrain, aucun bulldozer n’est visible pour l’heure. «C’est toutes les cinq communes de Conakry qui sont concernées. Toutes voies d’accès, les garages, les occupations anarchiques, les emprises, les impasses sont concernées sauf dans les quartiers où ils ne seront pas gênés. Je crois qu’avec la sensibilisation, la population va comprendre et elle va se recaser quelque part où elle ne sera  pas gênée », ajoute-il, précisant qu’il n’y aura pas de dédommagement, car ce sont des emprises publiques qui sont occupées. Et de temporiser : « C’est vrai que ça fera mal quelque part, nous le savons. Mais il faut être un bon citoyen. Nous partageons leurs peines mais il faut accepter l’application de la loi comme ce n’est pas Ratoma seulement. Je ne fais qu’apporter mon soutien à cette population pour qu’elle respecte le délai d’enlèvement par elle-même par rapport à tout ce qui est lié à leurs biens sur le terrain.»

Yaya Doumbouya