Après avoir fait une promenade de santé dans les institutions républicaines et aux sièges de quelques partis politiques pour vendre son statut de chef de file de l’opposition, le 15 février, Mamadou Sylla a été reçu au Palais de la Colombe. Dans sa besace, un menu fretin qu’est la présentation de son cabinet, greffé de félicitations et de condoléances au maître des lieux, Ibrahima Kassory Fofana.
Si jusque-là, notre fameux Chef de file de l’opposition ne se faisait accompagner que par les membres de son cabinet, cette fois-ci il était accompagné des leaders politiques de carrure reconnue comme Faya Millimono, président du BL, Bah Oury de UDRG, de Mamadou Bah Baadiko de l’UFD et Aboubacar Soumah de GDE.
Le tête-à-tête à huis clos a duré environ une heure. L’homme de Dixinn-Bora et sa compagnie auraient posé des doléances au locataire du Petit palais. Il s’agirait entre autres : faciliter la tâche pour qu’ils rendent visite aux prisonniers politiques à la Maison centrale de Coronthie ; augmenter le nombre de sièges devant revenir à l’opposition dans le cadre permanent du dialogue politique et social. «Nous sommes venus voir le Premier ministre, chef du gouvernement pour présenter notre cabinet, lui faire part de nos différentes activités depuis qu’on a été installés, le féliciter pour la confiance renouvelée en sa personne suite à sa nomination à la tête du gouvernement et le choix porté sur lui en tant que président du cadre du dialogue social et politique. Nous lui avons présenté nos condoléances suite au décès de son conseiller, Chérif de Washington. L’audience s’est très bien passée ; il nous a dit que la porte est grandement ouverte et qu’on doit travailler ensemble en tant que partenaires (…) Nous avons demandé au Premier ministre une doléance pour nous permettre de visiter les prisons et rencontrer les détenus politiques qui ont été arrêtés avant, pendant et après les élections afin de voir dans quel état ils se trouvent ? Comment ils vivent dans les prisons ? Sur ce point, le Premier ministre nous a dit qu’il va voir avec le ministre de la Justice. En plus, en ce qui concerne le secrétariat permanant du dialogue, nous avons demandé aussi une doléance parce que l’opposition n’a que deux représentants dans cette structure. Nous lui avons demandé donc d’augmenter le quota de l’opposition », a déclaré le Chef de file de l’opposition.
Le regard lointain, le président du BL, Faya Millimono, a donné les raisons de sa présence dans la délégation du « fameux » Chef de file de l’opposition. «D’abord, nous sommes de l’opposition, c’est le chef de file de l’opposition. Au nom de l’opposition, s’il obtient une audience du Premier ministre, nous sommes-là pour ça. Il y a eu des doléances que nous avons posées, notamment c’est de nous permettre de voir si nos amis qui sont en prison sont traités avec dignité, nous attendons une réponse par rapport à ça », s’est-il défendu. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise. Malgré les remous dans son parti, il l’avait « grandement » représenté à l’investiture du Président Alpha Condé, le 15 décembre 2020.
Il parait qu’un mémorandum est en cours de rédaction et sera déposé dans les brefs délais au Président Alpha Condé. Qu’est-ce qu’il va faire avec un mémo d’un Chef de file de l’opposition en mal de légitimité ? Alpha Condé sait que son véritable opposant en Guinée est Cellou Dalein Diallo, le président de l’Ufdg. Et Mamadou Sylla devrait souffrir que de cette évidence. De toute façon, ce n’est pas avec quatre députés à l’Assemblée nationale qu’il peut chiper ce statut. Si chez les politiciens de carrure, la notoriété et la légitimité arrivent naturellement, chez d’autres, c’est au forceps. Mamadou Sylla, président de l’UDG, est de la seconde catégorie. Il a pleurniché sur toutes les ondes de radios et de télévisions pour que le Président Alpha Condé et son gouvernement reconnaissent son statut de Chef de file de l’opposition. Quand le pouvoir d’Alpha Condé s’est rendu compte qu’il ne peut rouler dans la farine pour la énième fois Cellou Dalein Diallo pour qu’il reconnaisse son troisième mandat, le président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, a décidé de lui donner ce statut de chef de file de l’opposition avec ses quatre députés. Une autre manière de frustrer le président de l’Ufdg. Depuis Mamadou Sylla a le vent en poupe, il crie sur tous les toits qu’il est le chef de file de l’opposition. Mais le président de l’Udg devrait méditer sur la citation du dramaturge et auteur nigérian Wole Soyinka qui dit : «Un tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore». Etre chef de file de l’opposition ne se décrète pas dans les bureaux.
Abdoulaye S. Camara