Le déguerpissement entamé par le gouvernement « pour libérer les emprises des routes » semble virer vers le règlement de compte. Après le quartier Hafia 2 où les victimes ont accusé les agents du ministère de la ville de corruption, c’est au tour des femmes du marché de Lambanyi de mettre en cause « les agents destructeurs et corrompus.» Le 4 mars, de nombreuses vendeuses au marché de Lambanyi sont allées de bureau en bureau à Kaloum pour rencontrer les autorités afin de leur expliquer les abus dont elles ont été victimes lors du déguerpissement à Lambanyi dans l’après-midi du 3 mars. Une délégation des femmes a été reçue par le secrétaire général du ministère de l’administration du territoire qui a promis de rendre compte à son patron. Selon les femmes, plus de 65 containers, des boutiques et des tables ont été cassés. Elles disent avoir été violentées parce qu’elles voulaient résister. « Ils ont lancé du gaz lacrymogène, frappé certaines parmi nous avant de tout casser », a expliqué une dame en sanglots.
« Hier, les agents destructeurs sont allés à Lambanyi dans le cadre du déguerpissement. Je suis allée voir ce qui se passait, j’ai demandé, ils m’ont dit qu’ils sont en train de déguerpir les gens qui sont au bord de la route. Comme nous sommes dans le marché, nous n’étions pas inquiètes. Ils nous ont dit que nous ne faisons pas partie. C’est ceux qui sont au bord de la route qui sont concernés. Mais au fur et à mesure que la machine avançait, elle se dirigeait vers le marché. Soudain, elle est entrée casser tout. Les containers, les boutiques, les tables, tout ce qui était sur son passage. Pourtant, il n’y a pas de route là-bas. Nous sommes vraiment peinées aujourd’hui, c’est là que nous nous débrouillons pour nourrir nos enfants, les scolariser, les éduquer. Mais nous avons tout perdu aujourd’hui », raconte Sita Faro, vendeuse
Fatoumata Diallo, victime de casse, déplore la brutalité par laquelle les agents ont cassé leurs biens. « Le marché de Lambanyi n’est pas sur la route. Les agents sont venus seulement s’attaquer à nos marchandises et tout ce que nous avons de précieux sans nous prévenir. C’est là que nous cherchons la nourriture pour nos enfants. Mon mari est malade. Non seulement c’est là où je vends, mais je cherche la nourriture et les frais de scolarité de mes enfants. Sans oublier les médicaments de mon mari. Nous demandons à l’autorité de nous aider à récupérer nos biens et nos places. »
En sanglots, dame Yéya Dembélé explique comment les femmes ont acquis les places au marché de Lambanyi et demande aux autorités de faire tout pour rembourser leurs biens. « C’est le ministre Bouréma Condé qui nous a dit d’occuper ces places au marché de Lambanyi. Alpha Condé aussi nous a dit d’occuper les places, c’est un marché. Chaque fois, l’enfant de Thiangui- Pêche vient nous emmerder. Ils ont cassé tous nos biens, le charbon, l’huile, c’est trop. Nous sommes venus voir Alpha Condé, il va nous voir et nous aider à récupérer notre marchandise. Mais quand nous sommes allés à la présidence, ils nous ont dit de quitter, on ne verra pas Alpha Condé. Pourtant, nous les femmes, tous nos problèmes se trouvent dans les mains d’Alpha Condé. Comment on ne peut pas le voir ? »
Toutes ces femmes accusent le fils de l’opérateur économique, Thiangui-Pêche, d’avoir corrompu les agents chargés du déguerpissement. Bountouraby Camara, raconte son calvaire. « C’est nous qui avons demandé au Président de terminer son travail surtout moi qui vous parle. Tous ceux qui sont sur la route, ils n’ont qu’à les enlever parce que la Guinée ne doit pas rester dans l’obscurité. Le pays est appelé à avancer. Hier, ils sont venus dégager les baraques et autres hangars sur la route, nous étions toutes contentes que la rue soit dégagée. A notre grande surprise, après une rencontre entre le fils de Thiangui-Pêche et les agents dans sa cour, ils sont venus casser nos biens. Toutes les marchandises que nous avions dans le marché ». Ces femmes parlent de plusieurs millions de francs guinéens perdus. Il parait que depuis très longtemps, l’occupation du marché Lambanyi oppose ces femmes et le fils de Thiangui-Pêche. C’est la troisième fois que le marché de Lambanyi fait l’objet de casse. Si elles ne sont pas rétablies dans leur droit, les femmes promettent d’aller en nombre le lundi 8 mars à Kaloum pour faire un sit-in. Ironie du sort, c’est la journée internationale de la femme…debout !
Ibn Adama