La Délégation de l’Union Européenne vient de suspendre un volet de son aide à la Réforme du Secteur de Sécurité (PARSS) en Guinée, après avoir constaté de façon indéniable «l’emploi de la BRI dans des missions visant les opposants politiques».

Bruxelles a décidé «d’interrompre son soutien à des activités déjà prévues, telles que l’appui à la sélection et au recrutement de personnels pour compenser les pertes en effectifs et renforcer la structure ; l’effort d’experts pour le renforcement des acquis des personnels dans le domaine de la surveillance, de la filature et de l’interpellation ; et une mission de formation au protocole de gestion des enlèvements». En cause, l’utilisation d’une section des services de sécurité, équipée et formée par un de ses programmes, dans la répression d’opposants politiques.

La BRI est une unité spécialisée dans la lutte contre les réseaux criminels, le grand banditisme, qui intervient notamment en cas d’attaques terroristes. Elle a bénéficié de l’appui de l’Union Européenne à travers le Programme d’Appui à la Réforme du Secteur de Sécurité (PARSS) en Guinée. Programme qui consistait, entre autres, à créer et opérationnaliser la Division d’appui opérationnel (DAO) dont la BRI est l’une des trois sections au sein de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). C’est ainsi que d’importants moyens (véhicules, équipements de transmission, d’intervention et de protection, moyens de surveillance terrestre et aériens, moyens informatiques) ont été mis à disposition de la DAO.

Sauf que l’objectif initial du projet a été dévoyé. La BRI s’est retrouvée, comme d’autres unités de sécurité, au cœur de la répression qui s’est abattue sur les opposants au régime d’Alpha Grimpeur. Au cours des manifs appelées par des partis politiques ou par le FNDC pour dénoncer le projet de 3ème mandat, médias et ONG indépendantes de défense des droits humains ont relevé des dizaines de morts, de blessés et d’arrestations arbitraires. Avec l’implication de la BRI dans plusieurs de ces opérations. Le 6 mars 2020 par exemple, c’est elle qui était allée cueillir Ibrahima Diallo et Sékou Koundono, deux cadres du FNDC.

«Des agents de la Brigade de Recherche et d’Investigation (BRI), une unité de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), ont défoncé le portail du domicile d’Ibrahima Diallo, et escaladé le mur pour accéder à la cour. Ces agents, vêtus de gilets pare-balles et cagoulés, sont intervenus sans titre d’un juge d’instruction, convocation ou mandat, selon les avocats des deux hommes. Ils ont été conduits à la DCPJ et entendus pour « outrage à agents, violence par voie de faits, atteinte et menace à l’ordre et à la sécurité publics, à l’intégrité et à la dignité des individus par le biais d’un système informatique», dixit Amnesty International, dans son rapport « Marcher et mourir » publié fin 2020.

Interpellée par cette ONG, l’UE a constaté la dérive : «Le constat d’emploi de la BRI dans des missions visant les opposants politiques est indéniable (…), mais rien ne pouvait laisser présager, lors de sa création à l’automne 2015, et plus largement lors de la création de la DAO, que cette dérive interviendrait plus de 4 ans plus tard».

«L’objectif de l’Union européenne était de doter la police guinéenne d’un service capable de collecter du renseignement judicaire afin de neutraliser des réseaux criminels et capable d’intervenir contre du grand banditisme et des attaques terroristes.» Woïka !