Hervé Lado, responsable pays pour Natural Resource Governance Institute en Guinée, a publié un bulletin actualisé le 31 mars sur l’impact de la pandémie de Coronavirus sur le secteur extractif et la gouvernance des ressources. Si l’économie guinéenne a fait preuve d’une résilience face à la pandémie de coronavirus, l’augmentation des exportations minières en 2020 ne s’est pas reflétée sur les revenus du gouvernement et des entreprises, en raison de la baisse des prix de la bauxite. Même que le plan de réponse du gouvernement au coronavirus, estimé à 1,8% du PIB (env. 275 millions USD), a été soutenu par la Banque centrale guinéenne (BCRG), la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne et le FMI. Depuis 2017, rappelle-t-il, la Guinée bénéficie d’une facilité élargie de crédit (FEC) du FMI à hauteur de 170 millions de dollars sur trois ans. « Cet appui a permis de gérer les finances publiques, notamment la dette. Selon les estimations du FMI, la dette publique atteindra 43,2 % du PIB en 2021 et se stabilisera à 40,4 % en 2025. Une réduction significative des revenus miniers peut toutefois avoir une incidence sur cette prévision ». La Guinée compte sur des emprunts concessionnels, explique l’expert, car le pays dispose d’une faible capacité à s’endetter davantage (le FMI et la Banque mondiale recommandent de ne pas dépasser le ratio dette publique/PIB actuel).
Impact sur le secteur minier
Le secteur de la bauxite est habituellement très rentable, note M. Lado, le processus de production est peu complexe et sa teneur en minerai est l’une des plus élevées au monde (jusqu’à 49 % contre les 40 % standard). « Les statistiques publiées en février 2021 par le ministère des Mines et de la Géologie pour l’année 2020 confirment que les exportations de bauxite ont continué d’augmenter. Le taux de croissance (24 %) s’est avéré même plus élevé qu’en 2019 (14 %) et 2018 (19 %). Les exportations d’or ont quant à elles bondi de 233 % en 2020, en raison de l’envolée des exportations d’or artisanal (plus 465 %) résultant probablement des restrictions de déplacements (induites par la pandémie et les élections) qui ont réorienté les flux de l’or artisanal vers des canaux plus formels ». L’expert estime que deux facteurs sont susceptibles tout de même d’atténuer les effets de la baisse des prix et de la demande de bauxite sur les recettes publiques en cas de persistance de la pandémie : le maintien de la reprise de l’activité économique en Chine (principal client de la Guinée) et le maintien de la tendance à la hausse du prix de l’or (plus 28 % en 2020 par rapport à 2019), associé à des niveaux exceptionnels d’exportation d’or guinéen.
La baisse du prix impacte négativement les recettes de l’Etat quireprésentent 31 % des recettes publiques (selon le rapport ITIE de 2018), et la bauxite correspond à 62 % des recettes minières contre 22 % pour l’or. La vulnérabilité de la Guinée à une baisse des revenus provenant de la bauxite est aggravée par les répercussions de la crise liée au coronavirus sur d’autres secteurs de l’économie. En septembre 2020, le ministère du Budget avait perçu seulement 61 % des recettes minières attendues. Pendant ce temps, certaines sociétés minières comme Bel Air sont en détresse en raison de la baisse des prix de la bauxite.
Oumar Tély Diallo