Située à 680 km à l’est de Conakry, Kankan, capitale de la Haute Guinée et deuxième ville du pays par sa population (473 500 habitants), était l’un des 24 villages de la province du Batè : 12 habités par les Peuls du Wassoulou et 12 par les Maraka Mori, ou marabouts sarakollés, venus depuis l’empire du Ghana (IIIe-XIIIe siècle) via celui du Mali (XIIIe-XVIe siècle). Batè signifie en malinké « entre-deux fleuves » : le Djoliba ( le Niger), qui coule à 40 km au nord de la ville, et son affluent, le Milo, qui traverse d’est en ouest la ville de Kankan, nom qui désigne la porte ou son battant, que les artisans locaux fabriquaient à partir des joncs poussant au bord du Milo.

Les premiers habitants de la préfecture de Kankan furent successivement les Korogba et les Bamanan. Autrefois, la localité de Kankan demeura longtemps animiste. Elle était occupée par les Condé de Gbérédougou et de Kouroulaminin. Egalement les Condé de Toron, les Kourouma de Sabadou et les Peulh des Wassoulou y étaient installés. Le mouvement général des populations de l’empire du Mali au XV siècle a conduit à l’occupation du Dioma.

Selon la tradition, les Condé ont fondé une vaste province englobant le Gbérédou et le Kouroulaminin. Le territoire des Condé est limité au Nord-Ouest par le Hamana, à l’Ouest par le Sankaran et au Sud par le Kouranko. Ils sont les premiers occupants de Kankan (Gbérédougou). Il semblerait qu’ils soient venus au même moment que les Keïta de Hamana au XIV siècle. Ils occupaient la région comprise entre le Milo et le Niger, jusqu’au-delà de Kankan.

Les Kourouma sont venus de Fourtoumoumba dans le Bafoulé. Ils longèrent le fleuve et fondèrent Norossaba. De Norassoba, ils se mêlent aux vagues de migration des Keïta, ils progressèrent vers le Sud et s’installèrent dans la région de Kankan. Il faut également signaler que les Keïta, dans leur déplacement, ont entraîné aussi d’autres tribus alliées : les Camara et Traoré. La tradition nous rapporte que les Camara disséminés au milieu des groupements Kourouma et Condé seraient originaires de Beyla.

L’arrivée des Maraka mori ou Maninka-mori par déformation dans la région serait un peu tardive. Selon la tradition, ils seraient originaires du Ghana (les Kaba résidaient à Tambakara dans le Djafounou, république du Mali, une des provinces de l’empire du Ghana). Ce serait le point de départ de leur mouvement vers le Sud. La province de Djafounou était placée sous la tutelle des Doukouré.

Quant aux Cissé, Dramé, Tounkara et Chérif, ils s’étaient installés à Ouagadougou. C’est l’invasion almoravide jugulant l’empire des Cissé qui va occasionner la fuite des Sarakollé d’Ouagadougou pour aller s’installer dans le Djafounou, berceau primitif des Maninka. Les Maninkamori ne sont à proprement parler des maninka, ce sont des Sarakollé du moyen Niger, très anciennement islamisés. Ils sont commerçants depuis une période assez reculée.

Ainsi, fuyant les Almoravides, ils s’installèrent dans le territoire compris entre Milo et Niger. Cette bande de terre désormais occupée prendra l’appellation de Batè qui se compose comme suit : Ba = Fleuve et Tè = Entre, donc le mot Batè signifie entre deux fleuve.

La première vague des musulmans venus dans le Batè était conduite par Moribinè Kaba. Il serait venu du Mali demander l’hospitalité aux Traoré Djankana. Après une dizaine d’années, Moribinè et ses alliées seront suivis par un autre groupe ayant à sa tête Ansoumane Djankakoro. Ils furent reçus par Moribinè. Après qu’ils firent souche, et surtout devenus nombreux et puissant, les musulmans se libèrent de l’hégémonie politique et économique pouvant continuer de subir les abus de leurs voisins turbulents. Les Traoré se dirigèrent vers le Sud et fondèrent l’actuel village de Gbéléma près de Makono. La deuxième vague importante qui vient dans le Batè est celle qui fut conduite par Maramani Kaba et Lamine Chérif.

Quant à la date d’installation de Kankan, Souleymane Kanté nous enseigne que c’est dans les environs de 1545. Cependant, nous ignorons les sources d’inspiration de notre informateur. Toutefois, cette date se recoupe à peu près avec celle fournie par Mamadi qui retient le XV siècle.

A la mort de Mouramani, son fils Fodémoudou Kaba fonda le village de Kabala. Fodémoudou Kaba eut 4 fils qui sont : Mori Aliou, Djakaria, Fodémoudou et Daouda. Qui fondèrent respectivement Batè Nafadji, Soumankoï, Bankala. Quant aux descendants de Moriamagbè, ils fondèrent les villages d’Aliamoudou, Karifamoriah, Madina. Le processus de migration des maninkamori du Sud vers le Batè va continuer, fuyant toujours les menaces des Bamanan pour rejoindre leurs coreligionnaires dans le Batè.

Il semble que c’est Daouda, petit fils de Mouramani, qui fonda Kankan, l’ancêtre des Kaba de Kankan, Daouda n’est pas directement parti de Bankalan pour fonder Kankan. De Bankalan, il alla entretenir un champ de cultures destinées à son aîné Fodémoudouba installé à Bankalan. Mais face aux difficultés de rencontrer toujours le fleuve, il jugera opportun de chercher de bonne terre en amont. C’est ainsi qu’il obtient avec l’accord de Fodémoudou Condé (homologue et ami de son frère) l’actuel place de l’hôtel de la ville de Kankan (ex villa syli). Il fonda un village qu’il nomma village de Djafounou, jadis habité par les Kaba appelé auparavant Foudou ou Fadou (terre où l’on mange à sa faim). Plus tard, le nom de Fadou cédera le pas à Kaouroy, nom d’un village Djafounou. Le nom Kabala sera ensuite d’usage qui veut dire chez les Kaba.

Cependant tous ces noms s’effaceront et le nom de Kankan sera retenu. Les quatre premiers quartiers de Kankan sont : Timboda, Salamanida, Kabada et Banankoroda. Ainsi, des personnes d’origines diverses arrivent à tout moment contribuant ainsi à l’accroissement de la population urbaine. La population de Kankan est en majorité urbaine. En plus, nous avons les artisans, les commerçants les fonctionnaires, les transporteurs…

Au XVIIIe siècle, époque à laquelle elle a sans doute été fondée, la cité s’inscrit dans un axe commercial reliant la côte guinéenne, le Fouta-Djalon et la Sierra Leone. Les marchands malinké islamisés (Dioula) dominent alors les circuits commerciaux, échangeant l’or, le sel, les noix de cola puis les esclaves contre des produits européens (parmi lesquels des fusils). À partir de 1870, Samory Touré, né près de Kankan et issu de ce milieu, crée un empire englobant l’actuelle Guinée orientale. Sa capitale, Bissandougou, est située au sud de Kankan, qui s’impose alors comme la grande métropole musulmane du Haut Niger. En 1891, Kankan est prise par les forces françaises conduites par le colonel Archinard, et l’empire de Samory Touré se reconstitue plus à l’est.

Ces populations, dans leur majorité, appartiennent à des provinces traditionnelles telles le Sabadou, le Toren, le Gbérédou, le Kouralamini, le Batè … Ces différents provinces n’ont pas été occupées à la même période et par les mêmes groupements humains. Avant l’arrivée des Maninka et des Maninka-Mory, la zone était, selon les traditions orales, occupée par les Krogba. Ils constitueraient le fond primitif humain de la préfecture de Kankan.

Cette population se serait bien installée avant le Xème siècle en petites familles ayant connu la métallurgie du fer. Selon les traditions, cette population serait assimilée ou refoulée par les Bamanan. La deuxième vague de migration qui prend souche dans la zone fut les Bamanan. Ce terme signifierait `’ refus du commandement » ou `’rebelle ». Ils se seraient installés aux environs des Xème et XIIIème siècles en provenance du Nord. Les Bamana furent suivis dans le processus d’occupation de la zone par les Maninka : les Kourouma occupèrent le Sabadou, les Konaté, le Toron, les Condé, le Gbérédou…

Selon les traditions, les Maninkamori étaient à l’origine des Maraka qu’on appela plus tard des Maninkamori. Ils seraient venus des Djafounou. Leur présence dans la région du Haut Niger est très récente comparativement à celle des Keita dans le Djema, celle des Traoré et des Konaté dans le Toron.

On pourrait situer au XVIème siècle l’installation du premier groupe de Maninkamori dans la Batè et celle du deuxième groupe au XVIIème siècle. De nos jours, la préfecture compte des Maninka, des Maninkamori, des peulhs du Fouta, des peulhs du Wassolon et quelques soussous et forestiers pour l’essentiel appartenant à des familles de fonctionnaires ou à la famille des commerçants.

Sources :

1. Jeune Afrique : Voyage à Kankan, venus du Milo

2. Pr. Alpha Amadou Barry : Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ?