Tout le monde, y compris Toto, parle du dialogue sans savoir de quoi il s’agit. Depuis la fin de la révolution en 1984, le dialogue est devenu un leitmotiv récurrent de la logorrhée politique du bled. Il réapparait par moments, au détour des inepties des politiciens qui s’en servent comme stratagème dans leurs foires d’empoigne. Pour ceux qui gouvernent, il s’agit d’une opération dilatoire pour s’éterniser au pouvoir; pour ceux qui manœuvrent pour conquérir le pouvoir, il s’agit d’éviter de périr. Mais pourquoi cette nécessité récurrente de dialogue dans le landerneau politique ? De toute évidence, on ne s’invite à table à dialoguer que lorsque le pacte de confiance est rompu, le contrat social (ou politique) s’en est allé en lambeau. Cette rupture résulte généralement de la volonté affichée ou sournoise de ceux qui exercent le pouvoir de multiplier les embûches sur le chemin périlleux qui mène au kibanyi, par moult subterfuges dont les plus fréquents sont de nos jours le bricolage institutionnel, le troisième mandat obtenu au forceps, les violations répétées et graves des droits humains, le hold-up électoral, la duperie de nomination d’un chef de file de l’opposition, etc. Tous ces facteurs perturbent et fragilisent les règles du jeu politique. Au grand dam de l’opposition qui se rebiffe, s’engage dans l’épreuve de force de la rue, qui entraîne mort d’hommes, destruction de biens publics et privés, arrestations arbitraires. Dans le microcosme politique voire au-delà, c’est la crispation totale. On s’en veut. On ne se parle plus. C’est l’univers des chiens de faïence dont la propriété la plus connue est que chacun épie l’autre. Au crépuscule de la vie du Général Lansana Conté, entre 2006-2007, c’est bien cette atmosphère qui caractérise la vie politique. La chienlit qui avait connu une accalmie avec la nomination de Lansana Kouyaté au poste de Premier ministre en 2007 s’était poursuivie, après la mort du Général Conté en 2008 et le coup d’État de jeunes militaires aux côtés de Dadis et de Konaté. Pendant deux ans, militaires et politiciens (UFDG, RPG, UFR, etc.) consacrent l’essentiel de leur énergie, leur intelligence et leur temps à un dialogue de sortie de crise. La victoire des Forces vives qui regroupent politiciens et grosses légumes de la Société civile notamment les syndicats, loin de souder leur unité, élargit les lignes de fracture qui les séparent, les émiettent. Les élections Présidentielles de 2010 et 2015, les législatives de 2013 et de 2020 ainsi que les communales de 2018, agacent profondément l’UFDG et l’UFR. Le point d’orgue du courroux des ouailles de la Petite Cellule Dalein Diallo et du Sid de l’UFR est provoqué par le 3è mandat voulu par leur ancien compagnon des Forces vives. Peur eux, le rubicond est franchi. On ne peut plus s’installer sous le même arbre à palabres, car là, la parole donnée est sacrée, sacrosainte. Il faut dire que les choses se sont bien compliquées après le 3è mandat qui a suscité beaucoup de violences verbales et physiques, suivie d’arrestations et de condamnations.
Les conséquences de ces violences n’ont épargné ni l’Abeille Sylla de la NGR, ni le Sid de l’UFR, ni la Petite Cellule Dalein Diallo et sa douce-moitié, ni Oussou Fofana de l’UFDG qui ont eu de gros ennuis avec les flics de l’aéro-hangar de Gbessia lorsqu’ils ont voulu voyager ces mois-ci. Si les deux premiers ont pu prendre un coucou et s’en aller, qui chez l’Oncle Sam, qui chez Nana Houphouët, les autres attendent la bonne humeur de Sékhoutoureya. Peut-on vraiment dialoguer dans cet imbroglio même si le cadre institutionnel est mis en place et meublé ? Déjà cet arrangement institutionnel sans participation de l’autre partie n’est pas un gage de succès du dialogue.
Abraham Kayoko Doré