Le 8 juillet à Cona-cris, la Basse-cour suprême a rejeté la «requête aux fins de sursis à l’exécution d’une décision administrative pour excès de pouvoir ». Ladite requête avait été introduite par l’avocat sans vinaigrette d’Ismaël Nanfo-pas Diaby, Me Saliflou-flou Béavogui, afin de casser la décision du Secrétariat général des Affres religieuses lui interdisant de toute activité religieuse depuis juillet 2020. L’avocat comptait sur la Basse-cour suprême pour revoir son client prier et prêcher en langue maninka. Peine perdue !

Déjà, le 26 mai dernier, Ismaël Nanfo Diaby a été condamné à 12 mois de prison dont 6 mois assortis de sursis et 500 mille francs glissants d’amende, par le tribunal de première instance de Kankan pour trouble à l’ordre de public. Tout cela était lié à son sermon en maninka, tenu devant ses adeptes à l’occasion de l’Aïd-el-fitr qu’il officiait à son domicile à Kankan.

L’audience de la Basse-cour suprême a été présidée par Mohamed Aly Thiam qui a rejeté la requête, précisant qu’elle est recevable sur la forme et non sur le fond, qu’elle promet d’examiner dès la semaine prochaine. Pour Me Saliflou-flou Béavogui, le fait que la requête soit rejetée n’augure rien de bon quant à l’examen du fond. «La requête n’était pas rejetable. Elle était bien fondée. On se rassure que le fond ne prospérera pas, c’est automatique», désespère l’avocat à la sortie de l’audience.  

Le Secrétariat général des affres religieuses, le défendeur, représenté par l’Agent judiciaire de l’Etat était absent. «Nous avons clamé haut et fort que le Secrétariat général des Affaires religieuses viole la Constitution, notamment son article 15, ainsi que toutes les autres lois qui favorisent la liberté de culte. Cette décision viole un des principes sur lesquels repose notre Etat de droit, précisément le principe de la laïcité signifiant que toutes les régions se valent en Guinée. C’est une liberté fondamentale qui a été foulée au sol par la justice de notre pays », dénonce Me Béa. D’ajouter  qu’il est « clairement établi » que les juridictions guinéennes, de la première instance à la Cour suprême, ne diront pas le droit dans cette affaire. «Il n’y a plus à se tromper que la justice guinéenne n’a pas le courage et ne dira plus jamais le droit dans l’affaire d’Ismaël Nanfo Diaby qui est dans ses droits de prêcher sa foi religieuse dans la langue qu’il maîtrise le mieux, car au demeurant, il n’y a qu’un seul Dieu que nous adorons tous, chacun à sa manière. Un musulman ne peut empêcher un autre musulman de prêcher sa foi comme il l’entend », a affirmé l’avocat.

Recours à la justice supranationale

Bien que le juge audiencier de la Basse-cour suprême ait promis de revoir la requête dans le fond, Me Saliflou-flou Béavogui n’espère pas grand-chose de l’annonce. Il dénonce plutôt un manque de volonté et accuse la Cour de s’aligner derrière la volonté de l’Exécutif. L’avocat soutient que des dispositions seront prises dans les meilleurs délais, afin de saisir la Cour de justice de la Cédéao, Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. « Nous n’avons plus d’alternative que d’aller vers cette Cour. Peut-être que là-bas, le droit sera dit et mon client aura la paix du cœur. Il ne faut plus compter sur quoi que ce soit en Guinée comme justice dans cette affaire. Mais, nous allons faire valoir nos droits devant la juridiction de la Cédéao, là où la Guinée sera attaquée», renchérit-t-il.

Yaya Doumbouya