Les rapports sur les droits humains se succèdent et se ressemblent pour la Guinée d’Alpha Grimpeur. Après Amnesty international ce matin, dans la soirée de ce même jeudi 8 juillet, c’est l’Union Européenne qui publie son rapport annuel 2020 sur « la situation des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde». En Guinée, le tableau est plutôt sombre. L’année 2020, marquée notamment par les sélections et la pandémie de COVID-19, a vu «une détérioration de la situation des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit», note-t-on dans le doc. La Petite Cellule Dalein Diallo de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée, UFDG, pourrait rire sous cape. Lisez plutôt !
«L’année 2020, marquée par les élections et la pandémie de COVID-19, a vu une détérioration de la situation des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit. Le processus électoral – auquel l’UE n’a envoyé aucune mission d’observation car les conditions de transparence n’étaient pas remplies – a été scruté par plusieurs observateurs externes et critiqué notamment en ce qui concerne l’utilisation d’un dossier électoral incomplet et incorrect. Le risque d’un recul par rapport aux acquis des 10 dernières années est réel : certains progrès observés en 2019, notamment en termes d’adoption de textes législatifs, ont été remis en cause. Les libertés civiles (notamment la liberté de réunion) ont subi des restrictions croissantes en raison de la pandémie et des troubles sociaux contre le processus électoral. La liberté de la presse s’est aggravée, certains journalistes ayant fait l’objet d’enquêtes pour leur rôle dans l’excitation des émeutes. La société civile était de moins en moins libre de s’exprimer et d’exprimer ses préoccupations : autour du double scrutin de mars (élection législative et référendum constitutionnel) et des élections présidentielles (en octobre), l’accès aux médias sociaux et aux télécommunications a été à plusieurs reprises limité», note le rapport adopté en juin dernier.
La Présidentielle, ses lacunes et les violences…
Malgré un nombre relativement faible de cas de COVID-19, constatent les rédacteurs du rapport, un état d’urgence était en vigueur depuis mars, comprenant un couvre-feu, une interdiction des grands rassemblements, des restrictions de mouvement et une fermeture des frontières. «Certains accusent que l’état d’urgence a été invoqué pour empêcher les manifestations de l’opposition. Le 22 mars, les Guinéens ont voté lors d’un référendum constitutionnel et d’élections législatives qui, pourtant jugées non inclusives et boycottées par l’opposition, ont ouvert la voie à une nouvelle république, pour certains simplement un moyen d’assurer le troisième mandat du président Condé. Le scrutin controversé a déclenché des violences, faisant des dizaines de victimes à Conakry et dans d’autres villes. À Nzérékoré, en Guinée forestière, les tensions électorales ont déclenché des divisions intercommunautaires de longue date, entraînant de violents affrontements qui ont fait au moins 32 morts, 90 blessés et des dizaines de maisons, magasins et églises détruits ou endommagés. Des élections présidentielles ont eu lieu le 18 octobre, les lacunes dans les rôles électoraux n’étant que partiellement comblées», mentionne la note de l’UE.
Poursuites judiciaires et risque d’inéligibilité de Cellou dans le futur
La période postélectorale a été marquée par la violence, selon le rapport, les forces de sécurité ayant répondu aux émeutes par ce que beaucoup ont accusé d’être un usage excessif de la force, faisant au moins 12 victimes, dont deux enfants. «Le 24 octobre, la Commission électorale a annoncé que Condé avait remporté les élections. Son principal challenger, Cellou Dalein Diallo, qui avait revendiqué la victoire le 19 octobre, a rejeté les résultats officiels. Alléguant une fraude, il a appelé à des manifestations de masse. Le chef de l’opposition, Diallo, a vu son siège verrouillé par les forces de sécurité et a fait face à des poursuites judiciaires qui pourraient conduire à son inéligibilité future. Des dizaines de dirigeants et sympathisants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dont Sékou Koundouno, Ibrahima Diallo et Oumar Sylla, ont été arbitrairement arrêtés sans inculpation prouvée, apparemment emmenés dans des camps militaires, et finalement conduits en prison».
Surpeuplement carcéral et décès de détenus
Ce n’est pas tout. Le rapport indique qu’aucune enquête indépendante sur les allégations d’usage excessif de la force et d’autres atteintes aux droits humains par des membres des forces de sécurité n’a été menée. «Malgré le risque d’infections au COVID-19, les autorités n’ont pris aucune mesure pour réduire la surpopulation carcérale grave, la prison centrale de Conakry, conçue pour 300 personnes, continuant d’héberger environ 1 500 détenus dans des conditions difficiles et inférieures aux normes. Trois détenus politiques sont décédés, de décembre 2020 à février 2021, tous membres du FNDC. Aucune enquête n’a été menée pour élucider les causes de ces décès, officiellement dus à des causes naturelles», précise-t-on.
Système judiciaire défaillant et non-respect des engagements du Gouvernement
Le système judiciaire a continué à faire face à diverses lacunes, notamment le manque de salles d’audience adéquates ainsi que l’insuffisance du personnel et des ressources pour enquêter et poursuivre les violations des droits humains et autres crimes, note le rapport alors que, poursuit-il, les enquêtes contre des membres des forces de sécurité n’ont pas abouti à des inculpations. «Le gouvernement n’a pas non plus respecté le délai qu’il s’était lui-même imposé en juin 2020 pour l’organisation d’un procès pour les auteurs présumés du massacre du stade de Conakry en 2009. Cinq personnes inculpées dans cette affaire ont été détenues au-delà de la limite légale, alors qu’elles attendaient le début du procès. Malgré les appels internationaux répétés, 11 ans après que les forces de sécurité ont massacré plus de 150 partisans pacifiques de l’opposition et violé des dizaines de femmes dans un stade le 28 septembre 2009, les responsables n’ont pas été jugés.»
Richesses naturelles et populations déplacées
Les riches ressources naturelles de la Guinée ont jusqu’à présent peu profité à la population, selon l’Union Européenne. Les droits économiques, sociaux et culturels, tels que les droits à une alimentation adéquate, à l’eau et à l’assainissement, au logement, à l’éducation, à la santé, à la sécurité sociale et le droit à un travail décent, ont continué d’être menacés en 2020, constate Bruxelles.
«L’expansion des secteurs de la bauxite et du fer signifiait que des milliers d’agriculteurs perdaient leur maison, souvent pour une indemnisation insuffisante, et endommageaient les sources d’eau vitales de la région. Le projet de barrage hydroélectrique de Souapiti devrait déplacer 20 000 personnes. Plus de 10 000 personnes déplacées en 2019 n’ont pas encore reçu de terres agricoles alternatives ou de soutien pour trouver de nouveaux moyens de subsistance et ont du mal à accéder à une nourriture adéquate et à d’autres produits de première nécessité. Bien que l’État se soit engagé à promouvoir l’égalité des sexes et à lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, le Code civil révisé est toujours discriminatoire à l’égard des femmes. Bien que la Constitution guinéenne interdise la torture ainsi que tout traitement cruel, dégradant ou inhumain, 94,5% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales féminines (MGF). Ces pratiques sont interdites par le Code pénal de 2016, mais son application n’est pas très stricte», mentionne le rapport.
Avec Africaguinee.com