Selon des statistiques de l’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs (OPROGEM), cité par un collectif d’ONG de défense des droits des nounous, entre janvier et septembre 2019, près de 300 cas de viols ont été répertoriés en Guinée. Selon la même source, 90 % des victimes de ces viols sont des mineurs.

La situation a empiré, à en croire ces activistes membres de Mon enfant, ma vieAssociation des professionnelles africaines de la communication (APAC), Femmes, développement et droits humains en Guinée (F2DHG) et de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) : 367cas de viols dont 107 sur des mineurs. De quoi faire trembler de colère la bande à Asmaou Barry, Moussa Yéro Bah, Halimatou Camara et Djeinabou Diallo Sylla.

Qui est M’Boma ?

Ce quatuor, irréductible avocat des droits des femmes, a signé une déclaration commune jeudi 12 août, pour fustiger des paroles qui heurtent la sensibilité de ceux qui ont eu le courage d’écouter une chanson dénommée “Ko Touba & Oundougal”. Cela se traduit littéralement du pular, « C’est le pantalon et le pilon ». « Pantalon » symbolisant ici le sexe masculin comparé métaphoriquement au pilon. La chanson a été sortie le 22 juillet par un artiste connu sous le pseudonyme de M’Boma. Amadou Barry à l’état-civil, ce dernier est originaire de Wédou Boro, sous-préfecture de Bourouwal Sounki, préfecture de Télimélé. Mais il est beaucoup plus connu à Ley-Miro, en raison de la proximité géographique (avec Télimélé) de cette sous-préfecture située à 100 km de la ville de Pita dont elle relève, selon différentes sources jointes par notre rédaction.

Dépravation des mœurs

Sur YouTube, la chanson “Ko Touba & Oundougal” totalise près de 20 000 vues. « Un condensé d’insanités qui portent un regard misogyne sur la femme,  une incitation flagrante au viol et à la pédophilie », dénonce le collectif d’ONG qui attire l’attention des autorités culturelles et judiciaires et les invite à prendre « des dispositions pour que cet artiste ne puisse continuer à diffuser ce message ignoble qui contribue à la dépravation des mœurs ».

Dans un des passages de la chanson, l’auteur incite explicitement à s’en prendre « aux petites filles de 10 à 15 ans ; car, selon lui, c’est l’âge idéal pour qu’un homme prenne du plaisir avec une femme ». Dans la même veine, il menace : « Les hommes ont décidé de s’en prendre à toutes les filles qui portent des habits courts et indécents », rapportent les activistes. Ces derniers redoutent que ce leader d’opinions « peu célèbre soit-il, draine des mélomanes, des fans dont certains ne peuvent faire la différence entre image et réalité. Certains d’entre eux sont bien capables de reproduire à la lettre tout ce que leur dit leur idole, sans se soucier si cela est préjudiciable à autrui ou pas. Nous dénonçons cette chanson dont le message compromet davantage la lutte contre le phénomène de viol dans notre pays. Qu’un adulte prenne du plaisir à écouter et à se trémousser au rythme de chansons obscènes, cela peut se discuter ; mais, aucun artiste ne devrait à travers ses œuvres appeler à la dégradation de la vie d’autrui, encore moins celle d’une couche aussi vulnérable que celle des enfants ».

M’Boma persiste

Bynta Bah, une autre activiste guinéenne basée en France a quant à elle lancé une pétition en ligne pour recueillir 500 signatures. L’objectif est d’interpeller le tribunal pour enfant, les autorités politiques et les acteurs de la société civile afin que l’acte ne reste pas impuni.

Sur sa page Facebook, l’artiste M’Boma a mis en garde ses détracteurs sur les réseaux sociaux, dans un direct réalisé jeudi 12 août et visionné 20 000 fois en 24h ! « J’ai vu hier dans une publication qu’on me recherche. Qui recherche quelqu’un qui n’est pas caché ? Pour couper court, j’ai reçu des informations en provenance de la BGDA. Quiconque publie que je suis recherché, je jure que la justice nous départagera ! Il me dira quel crime j’ai commis pour qu’on me recherche », a lâché l’art-triste, visiblement sans remords ou inconscient de la gravité de ses actes. Et comme pour étaler son ignorance de la loi, qui considère comme crime (et le punit au même titre qu’un meurtre) le fait d’avoir des relations, même consenties, avec un(e) mineur(e), il tente de se défendre : « Je n’ai dit à personne d’abuser de quelqu’un de dix ans. Mais si une personne âgée de dix ans s’habille en sexy pour aller voir un homme, c’est qu’elle connaît la raison de sa visite. Nul ne va croiser et violer une telle personne devant la porte de sa mère ». Tout comme nul responsable ne devrait ouvrir sa braguette à chaque fois qu’il tombe sur une personne « mal habillée ».  

Kadiatou Diallo