Dans un témoignage émouvant, un père de famille, qui se surnomme sur Facebook « Jules Legrand », narre comment il a perdu son «petit ange» à l’INSE de Donka (Institut de Nutrition et Santé de l’Enfant).
«3h 46 minutes. Tu avais à peine 51 minutes de vie sur cette terre et la sage-femme me disait «Prends-le en photo. Immortalise ce moment !» J’avais peur !
Entre toi qui n’avais pas ouvert les yeux depuis ta venue au monde et cette ambulance qui roulait à très vive allure en direction de Donka, mon inquiétude était palpable.
Je sortis mon téléphone pour te prendre en photo quand à ce moment précis, tu ouvris les yeux et me fixai droit dans les yeux. Un sourire déchirait mon visage en deux, au même moment que tu entrais dans ma galerie photo (image 1).
Joie et bonheur me décrivaient pour la toute première fois. «Il a su que Papa voulait le prendre en photo», me disais-je, intérieurement sur mon p’tit nuage.
Petit ange, par ce regard, tu me parlais certainement. Peut-être ne voulais-tu pas que je t’emmène là-bas à l’INSE (Institut de Nutrition et Santé de l’Enfant- INSE) ? Là où les fourmis et cafards se baladent dans vos habits en plein jour, là où vous faites la rotation dans une seule machine, où ceux et celles qui ont juré le serment d’Hippocrate n’ont aucune considération pour les parents qui vous accompagnent,…
Bref, tu me le disais dans le regard sans que je ne le comprenne. Moi pourtant qui maîtrise à la perfection le langage non verbal.
11. C’est le nombre de jours que tu as décidé de nous consacrer. 11 jours de bonheur inimaginable. Mais aussi, … 11 jours durant lesquels tu voulais que nous découvrions le véritable visage du système sanitaire de ton adorable pays.
11 jours que maman et grand-mère dormaient à même le sol sous ce hangar abandonné servant d’abris, sous les moustiques et la pluie qui s’invitaient sans permission. Elles n’étaient pas seules à vivre ce calvaire.
11 jours pour nous montrer que dans cette capitale de 1,66 millions d’habitants, il n’y avait qu’UNE SEULE COUVEUSE dans LA SEULE UNITÉ D’URGENCE NEO-NATALE d’un pays à 12,77 millions d’habitants.
Étais-tu venu pour que le monde sache ton histoire ? Petit ange, pour qu’on te mette dans la couveuse, il fallut l’insistance de ta grand-mère et des disputes entre elle et une soi-disant docteure. Il n’y avait pas mieux pour entamer ton aventure. Pourtant, après 48h dans ladite couveuse, tu allais très bien (image 2). Tu devais rester dans cette machine, tu étais mieux là-bas.
Petit ange, tu avais passé 3 jours sans injection alors que tous tes amis prématurés la recevaient. Parce que ceux qui t’avaient accueilli avaient omis de le mentionner dans ton dossier. Là encore, c’est ta grand-mère qui avait fait un énorme tapage en le découvrant. Nous avions contacté tous les grands médecins et responsables à Donka (y compris le Directeur du Centre), à cause de toi. Il ne me manquait que le numéro du Président de la République.
Les autres parents t’appelaient « Garçon MAMI, le sauveur», car c’est grâce à toi que tous les berceaux avaient été nettoyés et désinfectés malgré le taux très élevé de décès journaliers. Aussi, grâce à toi que le véritable suivi des enfants avait commencé.
Il y’avait tant d’irrégularités et d’incohérences dans ce Centre. Mais c’était notre petit secret. Personne ne le saurait, car même s’ils le savaient, ils ne feraient rien.
Petit ange, avant toi, de nombreuses familles se sont plaint de cet endroit, mais rien n’y fait ! Ton adorable pays est comme cela.
Hier, ton oncle et moi t’avions mis sous terre. J’ai prié pour toi et pour ceux que tu as laissés là-bas, à l’INSE.
Que de là où tu es, tu veilles sur maman qui est inconsolable et l’aide à pardonner. Ton histoire, le monde le saura.
Vas en paix, petit ange ! Maman et moi-même ne t’oublierons jamais.»