Le 6 septembre, 24 heures après la chute du Président Alpha Condé à la suite d’un coup de force du CNRD (Comité national du rassemblement et du développement), les activités tournent au ralenti à Conakry. C’est la morosité, en dépit de l’invite de la junte au pouvoir à reprendre le travail. Sur l’autoroute Fidel Castro, de Tombolia à Madina, l’affluence que connait Conakry en début de semaine, n’était pas au rendez-vous. Plusieurs habitants sont restés chez eux, le trafic routier est resté fluide. Quelques bus de la société Albayrak roulent à moitié plein, mais nombreuses stations-services sont restées fermées, tout comme boutiques et magasins bordant l’autoroute.
A Tombolia et à Entag, en haute banlieue de Conakry, quelques boutiques et magasins sont ouverts, les marchés de condiments grouillent de monde comme à l’accoutumée. « Depuis qu’Alpha Condé est arrivé au pouvoir, les Guinéens ne sont pas heureux. On ne trouve pas à manger, car un sac de riz se négocie à partir de 320 000 Gnf. Tout est cher au marché. Les activités sont paralysées, nos enfants n’étudient pas bien. Mais, Dieu nous a libéré », clame Mariame Kouyaté, marchande à Tombolia et mère de trois enfants. «Alpha Condé a fatigué les Guinéens. Trop, c’est trop ! C’est la colère de Dieu qui s’est abattue sur lui, il pensait que ce moment n’allait jamais lui arriver. Aujourd’hui, il récolte ce qu’il a semé », enchérit une autre dame. A bord des taxis, minibus et bus, le renversement du Président Alpha Condé est sur toutes les lèvres.
A Matoto, le commerce aussi est paralysé. L’on aperçoit qu’un seul pick-up de la police, au rond-point Matoto. Face aux risques de pillages, les commerçants dont les boutiques et les magasins sont fermés, se tiennent là, causant, écoutant la radio. D’autres sont en train de surfer sur internet. Les marchands ambulants arpentent les rues, l’usine Topaz ouverte. Par contre, les banques UBA et Orabank sont portes closes et la sécurité y est renforcée.
Sur l’échangeur de l’aéroport Gbessia, trois pick-up dont deux de la gendarmerie, sont postés. «On a souffert ! On a souffert ! La Guinée a souffert. Je pense que désormais, le pays ira de l’avant, s’il plaît à Dieu !», clame un jeune.
L’ambiance à Madina
Les marchés de Madina et d’Avaria sont presque vides, ainsi que leurs parkings bordant l’autoroute. Même à la Casse, fief du Président déchu, est vide. Tout est fermé. C’est un lundi pas comme les autres. Mamadou Oury Diallo, diplômé en Histoire, au chômage mais marchand ambulant à Avaria s’exclame : «C’est une grande joie pour la Guinée et les Guinéens, le fait qu’Alpha Condé ait été débarqué du pouvoir. Les Guinéens ont trop souffert, Alpha Condé a semé la zizanie entre les gens. Je suis très content du CNRD. Nous voulons que ça change dans tous les secteurs, mais aussi de rassembler tous les fils et filles de la Guinée, afin de lutter ensemble contre la gabegie financière, la corruption, le détournement des derniers publics.»
«Le commerce est un peu paralysé, mais ce n’est pas un problème. C’est juste que les commerçants ont fermé boutiques et magasins, pour acclamer les militaires et les encourager. C’est la joie ! Les clients se font rares, car tout le monde manifeste sa joie au lendemain de la chute du Président Alpha Condé», explique Mamadou Moussa Diallo, boucher à Madina.
« Rendre le pouvoir aux civils »
Mamadou Moussa Diallo indique qu’on ne devrait pas se réjouir de l’échec d’un homme, même s’il estime que l’ex-Président Alpha Condé représentait une menace pour la démocratie, la paix et l’unité nationale. «Je suis très enthousiasmé par la prise du pouvoir par l’armée et nous attendons d’elle le rétablissement de l’ordre et de la justice dans le pays. Le colonel Mamady Doumbouya et ses hommes doivent balayer la maison et rendre le pouvoir aux civils le plus vite que possible. Il ne faut pas qu’ils s’éternisent au pouvoir. Je pense que le colonel Mamady Doumbouya est bien informé du passé de la Guinée, il ne devrait pas commettre les erreurs du CNDD. Donc, prudence ! Il doit faire preuve de maturité », ajoute-t-il. Mamadou Moussa Diallo invite les Guinéens à la prudence, car « c’est un nouveau combat qui s’engage. Ce sont des militaires qui sont au pouvoir, donc le peuple de Guinée doit être méfiant et serrer les rangs ! »
Yaya Doumbouya