Le populo n’est toujours pas redescendu de son nuage après la chute de l’Alphagouvernance. L’euphorie qui a suivi le coup de force du colonel Mamady Doumbouya et de ses hommes est telle qu’on oublie qu’il y a eu des décès aussi bien dans les rangs des forces spéciales que dans le camp de la garde présidentielle, lors de l’assaut contre le palais Sékhoutouréya le 5 septembre.

Si les nouvelles autorités n’ont encore pipé mot à propos de ces cas de décès, les langues commencent à se délier chez les familles des victimes. La plupart de ces familles se pose aujourd’hui des questions sur le sort des dépouilles des leurs. Aujourd’hui,  les enterrements en catimini des victimes auraient même commencé. Une nounou d’un garde rapproché du Grimpeur fait savoir que son mari est déjà sous terre : «Nous avons tout fait pour qu’on nous remette son corps, ils n’ont pas accepté. Ils ont finalement fait l’enterrement hier (jeudi 9 septembre). Mon mari et son chef ont été enterrés au cimetière de Kameroun. Ils n’ont pas accepté qu’on assiste à la cérémonie. Ils nous ont juste indiqué un lieu où aller faire une lecture du saint coran. Ils nous ont clairement dit qu’ils ne veulent voir personne là-bas. Ce qui m’a fait un peu mal, le fait qu’ils n’aient pas accepté que je vienne voir son corps pour une dernière fois. J’étais très touché, parce que je voulais le voir pour une dernière fois. Mais je m’en remets à Dieu.»

Ce garde n’était pourtant pas à Sékhoutouréya quand les hostilités commençaient. Il est allé en renfort, précipitamment, dans la matinée du dimanche 5 septembre : «Il a passé la nuit du dimanche avec moi. Il s’est réveillé, est allé s’asseoir devant la cour de notre concession. Dix minutes après, je l’ai vu venir dans la précipitation. Il m’a dit : «Fais mes affaires, mets les dans la voiture, je dois partir, c’est urgent». J’ai compris que ça n’allait pas, mais je pensais qu’il avait des problèmes avec ses chefs. Je ne pouvais pas imaginer qu’il partait défendre le Palais présidentiel. Vers 10h, il m’a dit au téléphone qu’il a laissé sa voiture à la « Cocherie » (Manéyah), d’aller la chercher. A partir de là, il ne prenait plus le téléphone. J’ai continué à appeler pendant toute la journée, aucune réponse. Vers 17h, le numéro ne passait même plus. J’étais inquiète. J’appelais mes amis, les amis de mon mari, ils savaient qu’il était déjà mort, mais personne ne voulait me le dire. Certaines amies, leurs maris ont réussi à s’enfuir et à aller à la maison avec des blessures. Tout le monde, y compris mes parents, savait qu’il était mort, même  la famille à N’Zérékoré et Beyla, sauf moi (…)»

Cet officier a finalement été retrouvé dans la soirée du lundi à la morgue de l’hôpital Ignace Deen grâce à ses documents : «Mon papa a demandé à un de ses amis médecins de vérifier pour lui à l’hôpital Ignace Deen. Il a vérifié dans tous les services, il ne l’a pas vu. Il est allé à la morgue, il lui a dit : «Il y a beaucoup de corps ici.» En fouillant les corps, il a retrouvé le passeport de mon mari dans sa poche. Ils sont venus me dire qu’il est blessé et couché quelque part. Finalement, l’oncle de mon mari m’a dit ce qui s’est passé.»

Yacine Diallo