Dans quelques jours, nous allons célébrer l’an 63 de notre indépendance. Un anniversaire qui va intervenir dans des conditions pas du tout idéales, vu de la situation exceptionnelle que nous vivons. Le coup de force intervenu le 5 septembre dernier va probablement reléguer au second plan la commémoration de cette date. Il y a plus urgent à faire…

A quelque chose malheur est bon, dit-on ! Et si ce coup d’éclat du Groupement des Forces Spéciales pouvait enfin nous donner l’occasion de poser les fondements de la renaissance du pays ? A condition de procéder à une évaluation critique, objective,  dépassionné des causes immédiates et lointaines de notre  retard. De 1958 à nos jours, les régimes successifs ont une part et non des moindres, dans ce qui nous arrive aujourd’hui. Aussi bien au plan  économique que politique. Une brève radioscopie en dit long sur la situation peu reluisante de la Guinée du 2 Octobre 1958.

Cliché économique

La Guinée présente de très nombreux atouts naturels : une façade maritime longue de plus 300 km, un important potentiel hydrologique (« château d’eau » d’Afrique) et agricole, des frontières partagées avec 6 pays, un sous-sol très riche en minerais (bauxite: 1ère réserve mondiale avec 25% du stock et 2ème producteur mondial après l’Australie), 3 Mds T de réserves de fer, 700 T d’or et 30 à 40 M T de carats de réserves prouvées de diamants. Toutefois, son économiedemeure relativement peu diversifiée et structurellement vulnérable aux chocs exogènes, notamment sur les matières premières : (i) la contribution du secteur agricole au PIB est relativement modeste (23% en moyenne) alors que ce secteur emploie près de 52% de la population active ; (ii) le secteur secondaire (35% du PIB) est principalement dominé par les activités minières qui, avec la bauxite, l’or et le diamant, représentent en moyenne 85% des exportations du pays ; l’énergie est également un secteur stratégique, tant pour les investissements en cours que pour ses effets d’entrainement sur les autres activités : 4 projets de barrages sont prévus – dont le plus important (Souapiti) – devrait permettre une production additionnelle de plus de 500 MW (contre 774 MW de capacité installée totale actuelle) ; enfin, (iii) le secteur tertiaire (46% du PIB) est quant à lui porté par le commerce, le transport, les télécommunications l’immobilier et les services aux entreprises.

En dépit de ces atouts, les indicateurs socio-économiques de la Guinée demeurent faibles. Avec une population de 13,1 M d’habitants et un PIB de 15,4 Mds USD en 2020, la Guinée se situe au bas du classement IDH, occupant le 178ème rang sur 189 pays en 2019. Selon les autorités, un peu moins de la moitié des Guinéens (44%) vivraient en dessous du seuil national de pauvreté qui est estimé à 13 717 GNF/personne/jour (1,1 EUR) en 2019. Par ailleurs, l’économie reste encore largement informelle, avec une part estimée à 43% du PIB et 96% des emplois en 2018. En outre, l’espérance de vie à la naissance dépasse à peine 60 ans.

Cliché politique

Au lendemain de notre accession à l’indépendance, le pays fut dirigé d’une main de fer par son premier président. Un régime autoritaire et centralisé lui permit de se maintenir au pouvoir 26 ans durant. Quelques jours après sa disparition, le 3 avril 1984, la Guinée enregistre son tout premier coup d’éclat avec la prise du pouvoir la Grande Muette. Et comme il est de bon ton, le pouvoir déchu est fustigé et des promesses sont tenues pour se donner bonne conscience et justifier la prise du pouvoir. On connaît la suite avec des soubresauts créés par le coup d’éclat manqué de Diarra Traoré et la purge qui s’en suivit. Ces douloureux événements qui vont marquer durablement la gestion du pays par le Général Lansana Conté.

A la mort de ce dernier, les militaires confisquent le pouvoir pour le rendre en 2010, à la suite d’une transition biaisée. Nous vivons, aujourd’hui, les conséquences de cette transition au goût d’inachevé dont sont responsables les acteurs (partis politiques, syndicats et société civile).

L’on revient à la case départ : une transition de nouveau à la suite du coup d’éclat du Groupement des Forces Spéciales. Aux protagonistes de la nouvelle transition de faire preuve de perspicacité et de responsabilité, pour nous éviter les désagréments.

Cheick Tidiane