Toute la semaine dernière, les différentes composantes de la société guinéenne sont accourues au Palais du peuple qui, semblable à la case ancestrale où les anciens débattaient des questions de la cité et de la nation, est devenu le cénacle du CNRD. Mais, il y a une différence de taille entre les deux lieux. La case ancestrale était inaccessible aux cadets sociaux ; le palais leur est largement ouvert et ressemble par moments, à un raffut. Inclusivité oblige même si cela nuit énormément, à la limpidité et à la qualité des débats. Qu’importe ! Autre temps, autre air !

Le Lieutenant-colonel Laye-M’a-dit accueille ses hôtes et, inlassablement, avec beaucoup de pédagogie, (sans professorat !) explique, justifie, pourfend la gouvernance depuis 1958 et fait sa profession de foi. Le leadership politique a été calamiteux, stérile, en vision ; les intello, misérables et défaillant. La verve est concise, mesurée, pondérée. On est bien loin de Dadis Show ponctués de moult impairs. Les interventions du jeune Lieutenant-colonel sont suivies de longs chapelets, de courtes déclarations de ses hôtes.

A tout seigneur, tout honneur. Les partis politiques ont le privilège de procéder tout le monde. Les boss des deux premiers partis de l’opposition, l’UFDG et l’UFR ont le privilège de s’adresser les premiers au CNRD. Comme tous ceux qui vont suivre, y compris le RPG Arc-en-ciel, en larmes, ils félicitent le CNRD pour cette courageuse entreprise de libération du peuple de Guinée de l’autocratie et de la dictature d’Alpha Grimpeur. Ils fustigent l’alphagouvernance qu’ils vouent tout simplement aux gémonies. La petite surenchère du RPG est de réclamer l’intégrité physique et la libération de son mentor. Les syndicats, les religieux, la société civile et tutti quanti ne disent rien d’autre. En résumé, tout le monde se réjouit de la chute du Grimpeur, blâme sa gouvernance, loue les Forces spéciales et en appelle à la miséricorde divine afin qu’émerge dans la période post Alpha Condé, une gouvernance efficiente et efface sous la férule d’un leadership clairvoyant et visionnaire qui s’articule sur le patriotisme. Le cas d’espèce de Singapour est évocateur. En trois décennies, (5 juin 1959-28 novembre 1990), le premier ministre Lee Kuan Yew, grâce à un excellent leadership, a transformé l’ancienne colonie britannique en un prospère Etat moderne, doté d’une place financière forte de réputation mondiale.

On peut rêver que cette troisième transition depuis 1984, ait pour principal résultat, l’émergence et l’enracinement d’un leadership pareil à celui de Singapour. L’œuvre n’est pas impossible. «Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer», enseigne l’adage. Le capital humain est disponible, les ressources naturelles sont abondantes et diversifiées. Le chaînon manquant est le bon leadership politique. Le prérequis est la mise en place, à la fin de la période transitoire, d’institutions républicaines capables d’impulser une culture de bonne gouvernance, d’État de droit et de respect des droits humains.

Aussi l’amour du travail bien fait doit être développé. Si tous ceux qui se sont s’épanchés au Palais, se sont mus en hérauts des forces spéciales et vanté leurs mérites, adhèrent avec sincérité aux actes qu’enfantera la transition, la Guinée n’aura certainement plus autant de problèmes que ceux qui l’assaillent à présent et sous le poids desquels elle ploie. Faute de quoi, le retour à la case départ est garanti.

Abraham Koyoko Doré