Ce 28 septembre 2021 marque le douzième anniversaire des massacres perpétrés au stade éponyme de Conakry par la junte militaire du CNDD, qui avait pris le pouvoir au lendemain de la mort du président Lansana Conté. Cette page sombre de l’histoire récente de notre pays est loin de se refermer. Pour la simple raison que l’instruction de ce dossier sensible a fini son cours depuis quatre ans mais il n’y a encore aucun début de procès. Entre la légitime revendication des nombreuses victimes de cette tragédie, et les calculs politiques sur fond de marchandage électoral, la question est de savoir si la justice guinéenne parviendra à tirer son épingle du jeu en toute indépendance.
Le contexte
Quelques heures après le décès le 22 décembre 2008 du président Lansana Conté, c’est un capitaine de l’armée, Moussa Dadis Camara, inconnu de la population mais apprécié au sein de la troupe, qui s’est imposé à 44 ans comme le nouvel homme fort du pays. Son programme affiché : assurer la transition, organiser un scrutin présidentiel et retourner en caserne. Mais par la force des choses avec, en sous-main, des encouragements et conseils de certains opportunistes, le chef de la junte militaire changeait de programme. Il envisageait de briguer un mandat présidentiel.
C’est dans ce contexte que décidés à empêcher la candidature de Moussa Dadis Camara à la présidentielle du 31 janvier 2010, les chefs des partis politiques réunis au sein du Forum des Forces vives de la Guinée invitent leurs militants et sympathisants à une manifestation populaire. Ils choisissent le 28 septembre, jour anniversaire du « Non » au référendum gaulliste de 1958, qui marque le début de l’indépendance de la Guinée.
En dépit du refus de la junte du CNDD d’autoriser la manifestation en décrétant la journée du 28 septembre fériée, les militants et sympathisants des Forces vives répondirent massivement à l’appel de leurs leaders. Aux environs de 11h, les leaders des Forces vives pénètrent, sous les acclamations, dans un stade archicomble. On connaît la suite. Sur ordre de la personne à identifier par la justice, les troupes encerclent le stade avant de faire irruption dans l’enceinte. Les manifestants sont pris au piège. La répression commence. La foule désarmée va subir les foudres des militaires. Tirs dans le tas, à balles réelles, jets de grenades lacrymogènes, attaques au couteau, coups de gourdin, viols… Débandades, bousculades, cris de détresse, la panique est totale… Les morts tombés sous les tirs à bout portant, jonchent par dizaines la pelouse et les tribunes. Cette intervention musclée a donc fait d’innombrables victimes : une centaine de morts, des milliers de blessés et des femmes traumatisées à vie.
La junte au pied du mur
Le dossier des massacres du 28 septembre est un dossier très sensible, et complexe. Le pool de juges en charge du dossier a finalisé l’instruction. Sous les auspices de Maître Cheick Sako, un comité de pilotage avait été mis en place pour évaluer le budget, et choisir le lieu du procès. Dans un premier temps, la salle de cinéma Liberté fut ciblée. Quelques mois plus tard, la décision a été prise de procéder à des aménagements à la Cour d’appel. Faut-il le souligner, en cas d’incapacité de notre justice, la CPI prendra indubitablement le relais. En plus de cette exigence de justice, ce dossier a des implications politiques. Ce n’est un secret pour personne, la Guinée Forestière représente un vivier électoral de premier ordre. L’ex-chef de la junte militaire, originaire de cette région, est l’objet de toutes les attentions. Même s’il a été entendu par des juges Burkinabè, à terme, son cas va poser problème.
Au-delà de l’enlisement de la procédure, depuis le 5 septembre dernier, le pays vit une nouvelle transition par le fait du putsch militaire. Les nouvelles autorités ayant fait de la justice leur boussole, l’opinion publique suivra avec attention le sort réservé au dossier des Massacres du 28 septembre.
Thierno Saïdou Diakité