Reporters sans frontières (RSF) demande à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) de lever les suspensions disproportionnées et arbitraires de deux publications.
Le bimensuel togolais La Symphonie ne paraîtra plus pendant deux mois. Mercredi 3 novembre, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), l’organe de régulation des médias au Togo, a décidé de suspendre le journal après la parution d’un article prenant la défense de l’hebdomadaire The Guardian, également suspendu depuis le 12 octobre. Yves Galley, directeur de publication de La Symphonie, est accusé d’avoir proféré des “injures gratuites contre la personne du Président et des membres de la HAAC” à travers son article, qui avait vocation, selon lui, à “analyser les insuffisances juridiques de la première décision”. Contacté par notre organisation, il a déploré un “décalage très grave” entre les faits et les sanctions. “S’il y a délit d’offense, la loi prévoit une sanction financière. La décision est inappropriée et ne m’a d’ailleurs pas été notifiée. Je l’ai appris sur les réseaux sociaux” a-t-il ajouté.
Le 12 octobre dernier, l’hebdomadaire The Guardian avait été suspendu pour 4 mois et son directeur de publication, Ambroise Kpondjo, interdit d’exercer pour la même durée, après avoir publié un article sur la vaccination anti-Covid-19 qui aurait été imposée aux élèves dans une école et pour ne pas avoir répondu à la convocation de la HAAC parce qu’il n’était pas vacciné. Joint par RSF, le journaliste a indiqué avoir déposé un recours devant la chambre administrative de la Cour suprême. Sans juger du fond de l’affaire, les mesures sanitaires ne peuvent en aucun cas justifier l’absence de procédure contradictoire. L’audience du journaliste aurait dû être organisée à distance comme c’est désormais courant dans de nombreuses procédures en raison de la pandémie,depuis plus d’un an et demi.
«Ces sanctions très lourdes, disproportionnées et arbitraires sont tout à fait contraire à une régulation juste et équitable, surtout lorsque l’organe de régulation se fait justice lui-même en sanctionnant un journal ayant critiqué l’une de ces décisions, déplore le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Nous demandons leur annulation. Il est temps de renforcer l’indépendance de la HAAC afin de mettre en place un système de régulation des médias plus juste, plus indépendant et susceptible de favoriser l’essor d’un journalisme de qualité au Togo».
Depuis l’année dernière, RSF déplore une série de sanctions infondées ou disproportionnées prises par la HAAC à la suite de plaintes de personnes influentes. Le 4 février 2021, la HAAC avait infligé au bihebdomadaire L’Alternative une suspension de quatre mois, après une plainte du ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière.
Quelques semaines plus tôt, L’Indépendant Express, dirigé par le journaliste Carlos Kétohou avait été suspendu par la HAAC. L’organe de régulation avait demandé au juge de lui retirer sa licence après la publication d’un article sur un vol présumé de cuillères dorées par deux ministres. Carlos Ketohou avait déjà été arrêté et détenu illégalement après la publication de ce même article.
Le Togo occupe actuellement la 71e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.
Reporters Sans Frontières