Le 21 octobre dernier, M’Mah Sylla a été évacuée pour des soins en Tunisie après avoir été violée et opérée par des médecins dans une structure sanitaire clandestine de Conakry. Un mois plus tard, le samedi 20 novembre, elle a succombé à ses blessures après sa septième opération.

Depuis l’annonce du décès, famille, amis et collaborateurs tous pleurent et dénoncent les circonstances de la mort de la jeune dame.  Ils plaident pour que justice soit rendue, afin que ses bourreaux servent d’exemple.

Invité ce lundi 22 novembre dans l’émission « Les Grandes Gueules », Mountaga Keita, représentant de la famille de M’mah Sylla, explique comment il a connu la jeune dame qu’il décrit ainsi: « Elle habitait à côté de mon usine et nous apportait à manger gratuitement. Son fonio au “Magangni”, on en raffolait. Mais pendant deux mois on ne l’a pas vue et je me suis dit sûrement que c’ est à cause des grandes pluies. Tout d’un coup ma mère m’a appris que M’Mah doit se faire opérer.  Mais sa grand-mère nous a caché le vrai problème. C’est lorsque c’est devenu grave qu’on nous a donné la vraie version. Et immédiatement on est parti la voir à Ignace Deen mais elle était dans un piteux état. M’mah était une fille très respectueuse ».M. Keita de renchérir: « On l’a laissé mourir parce qu’à l’hôpital Ignace Deen, on l’a dénigrée et marginalisée. Ils ont dit aux médecins que c’est une pauvre petite fille qui n’a rien et qu’elle a avorté six fois. Personne n’a suivi la fille. M’mah n’avait pas de copain. C’était une fille très respectueuse et introvertie. Vous serez surprise à quel point elle nous respectait. Tout le monde disait que c’est ma femme et je pense que si elle voulait des hommes c’est quand elle venait à l’usine qu’elle allait se chercher un là-bas ».Au-delà des mis en cause écroués, Mounta Keita dénoncé une nébuleuse qui aurait ses tentacules jusqu’au CHU Ignace Deen. « Cette fois-ci, je me suis juré qu’on va faire renverser toute la marmite. Ce réseau de médecins et praticiens a bénéficié d’un autre à Ignace Deen: une infirmière qui y travaille a aidé les faux médecins à transporter M’mah jusqu’à Ignace Deen et la cacher dans une chambre à l’arrière côté morgue . Les autres médecins se taisaient dessus intimaient la grand-mère de garder le silence. Ils achetaient des médicaments et les lui donnaient. Ensuite, en l’opérant à plusieurs reprises, elle a commencé à avoir des dégâts à l’intérieur. Moussa Yéro, a vu les photos qui sont insoutenables. Comment peut-on rentrer dans un hôpital si vieux et qu’on se couche dans un lit sans être enregistré ? Comment M’mah Sylla s’est retrouvé là ? Comment ça se fait que les boutiquiers qu’on appelle docteurs se retrouvent là-bas en blouse ? C’est parce qu’il y a eu de la complicité à l’interne. Ceux qui ont tué M’mah, ce ne sont pas seulement ces médecins Dr Lamah et autres, c’est tout un système. Vous croyez que ces petites cliniques peuvent s’ouvrir sans que personne ne soit au courant ? Tout le monde à Entag connaît ces cliniques, certaines sont même agrées. Qui donne ces agréments ? C’est tout un système qu’il faut mettre à terre et on le mettra à terre petit à petit ». 

Réaction avocate de M’mah Sylla

Dans la soirée du dimanche, le procureur par intérim du tribunal de Mafanco a communiqué sur la procédure judiciaire qui est engagée contre les auteurs du viol de M’mah Sylla. En tant qu’avocat de la victime, Maître Halimatou Camara dit que tout est en œuvre pour que justice soit rendue pour sa cliente. « Il y avait trois personnes inculpées pour “viol, utilisation de substances nuisibles, risque causées à autrui et complicité”. Aujourd’hui, il y a un nouvel élément: malheureusement, M’mah Sylla n’a pas survécu à ses blessures causées par le viol. La procédure va suivre son cours et désormais c’est sa grand-mère qui représentera ses intérêts en justice ».  Trois personnes, en détention, ont été entendues sur le fond et la quatrième est en fuite. Pour Maître Halimatou, cette affaire devrait provoquer une levée de boucliers contre les violences faites aux femmes en milieu médicale.

“M’mah est morte trois fois”

Maladho Kaba, ex-ministre de l’Economie et des finances dit être triste et révoltée. « J’avais rendu visite à cette jeune dame à Ignace Deen et j’étais impressionnée par sa force morale. Quand je suis rentré dans sa chambre, elle avait tout le temps le sourire malgré toute la cruauté qu’elle a subi avec ses opérations. Elle était animée d’une force incroyable et je pensais naïvement depuis son évacuation qu’elle allait nous revenir vivante et guérie. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Donc aujourd’hui, je suis triste et en même temps en colère comme beaucoup de nos concitoyens ». Pour elle, M’mah est morte trois fois. « Elle est morte quand on l’a violée, quand elle a été charcutée et découpée par des prétendus médecins et enfin, quand son âme l’a quitté. L’impunité pour moi aujourd’hui est le pire de nos cancers, il faut y mettre fin ».

Dame Kaba d’enchaîner: « Je pense que c’est un cas qui cristallise trois choses importantes: la banalisation du viol; l’exercice illégal de la profession  et l’impunité. L’existence même de ce centre clandestin est un signe que nous n’avons pas fait notre travail qui est celui du régulateur dans le domaine de la santé. Le travail d’inspection ou de supervision n’a pas été fait ou en tout cas pas correctement. Pour moi, le cancer en Guinée, c’est l’impunité ».

Une marche pacifique est prévue ce lundi à Labé, pour réclamer justice pour la mémoire de M’mah Sylla, et toutes celles qui sont décédées à la suite de violences faites aux femmes. Et une autre est projetée dans les prochains jours à Conakry.

Kadiatou Diallo