Par un communiqué du 15 novembre 2021 destiné à une diffusion multilingue (français et langues locales), Ousmane Gaoual Diallo, ministre de l’Usurbanisme, de l’Habitat et l’Aménagement du trottoir, a interdit la vente d’immeubles bâtis et non bâtis, non immatriculés. Le ministre a fondé sa décision sur les dispositions de l’article 11 du Code foncier et domanial qui stipule : « L’immatriculation de l’immeuble sur le Livre foncier est obligatoire dans le cas où un immeuble doit faire l’objet d’un acte à publier ; La création du titre foncier doit précéder la passation de l’acte par les parties, sous peine de nullité ».
Ousmane Gaoual Diallo a demandé le concours des Conservateurs fonciers, des géomètres experts de Guinée, des notaires de Guinée, à veiller au respect des instructions.
Il n’y a pas de divergence d’avis entre les acteurs quant à la nécessité pour un proprio d’avoir un titre foncier. « La disposition n’est pas nouvelle et elle permet de résoudre plusieurs problèmes, parce qu’avec le Titre foncier, il n’y a pas de possibilité que deux personnes revendiquent le même immeuble. Le ministre n’a fait que rappeler ce qui est prévu par le Code », a rappelé un expert géomètre. Seulement voilà ! La lourdeur administrative fait du titre foncier un véritable sésame, une sorte d’écaille du ciel. « Plutôt, il devrait avoir des préalables à l’exigence d’appliquer la disposition. On aurait dû former des équipes pour faire les levées topographiques à Conakry et environ, à défaut de le faire dans toutes les préfectures, numériser les données recueillies. Ainsi, on crée une base de données qui contient l’ensemble des lots et parcelles codifiés. Ce qui facilite l’acquisition du titre foncier. Si quelqu’un a besoin de son titre foncier, la recherche est facile. Cette disponibilité des informations accélère la procédure qui est actuellement très lente. C’est ce qui d’ailleurs fait polémique par endroit, suite au communiqué du ministre. Imaginez un citoyen qui veut vendre son domaine pour régler les frais d’études de ses enfants ou ses problèmes de santé, est-ce qu’il peut attendre 6 mois au minimum, pour avoir un titre foncier avant de faire la transaction et régler son problème ? Avec la volonté, on peut lever toute la Guinée en deux ans. On peut lever tout Conakry en six mois et numériser les données. C’est ce qu’il fallait faire avant d’exiger l’application de la loi ».
En tout état de cause, selon un spécialiste rencontré à la DATU (Direction de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme), actuellement, il n’y a pas de possibilité d’avoir un Titre foncier avant 6 mois. « Pour avoir un titre foncier, il faut passer chez le notaire, chez le géomètre, puis à la DATU et la DOCAD avant d’arriver chez le Conservateur foncier qui délivre le titre foncier », a-t-il rappelé.
Pour El Hadj Bhoye Bah, fondateur de l’Agence immobilière Hamdallaye, cette interdiction est une sorte d’atteinte au droit de propriété. « D’autant plus que la procédure d’obtention d’un titre foncier constitue un obstacle au lieu d’être un moyen. Pour un propriétaire, vous ne pouvez pas conditionner la vente de sa parcelle à un titre foncier qu’on ne peut pas avoir en moins d’un an, au minimum », a dit El Hadj Bhoye.
Un avis que partage bien des acteurs du domaine. Le Sieur Sylla, président de l’Ordre national des Géomètres experts de Guinée, n’est pas contre l’application de l’article 11 du Code Foncier et domanial. Il rappelle le cas échéant que « le même Code reconnaît le droit coutumier. Le Code est une loi, mais il n’y a pas de textes d’application qui permettent de tenir compte des réalités. Il est nécessaire d’y penser pour avoir une application de la loi qui ne brime pas les citoyens. » Le Code foncier et domanial précise, à l’article 39, qui est propriétaire et les éléments qui justifient une propriété. « 1- Les personnes physiques ou morales titulaires d’un Titre foncier ; 2 – Les occupants, personnes physiques ou morales, titulaires de Livret Foncier, permis d’habiter ou autorisation d’occuper ; 3 – Les occupants, personnes physiques ou morales, justifiant d’une occupation paisible, personnelle, continue et de bonne foi d’un immeuble et à titre de propriétaire. S’il y a lieu, la preuve de la bonne foi est apportée par tous moyens, et notamment par le paiement des taxes foncières afférentes au dit immeuble, par la mise en valeur de l’immeuble conformément aux usages locaux ou par une enquête publique et contradictoire. »
Quid du coût du titre foncier ?
Selon les acteurs, le Titre foncier n’a pas de prix fixe. Il est fonction de la valeur vénale du domaine, de laquelle il est prélevé 1,5 %. Le géomètre aussi propose un prix pour sa prestation. La part de la DATU, DOCAD, est prélevée du 1,5% de la valeur vénale, perçue par le géomètre. Quant au notaire, il a droit à 2,5 % de la valeur vénale.
Th Hassane Diallo