Le vendredi 19 novembre, au lendemain de leur premier conseil, les ministres de l’équipe Béa, sanglés tous y compris les nounous, dans des tenues militaires, couleur vert-olive, se sont rassemblés sur l’esplanade du Palais Mohamed V pour écouter religieusement la sainte parole du colonel Mamadi Doum-bouillant. Qui a sommairement exposé les termes de référence de la retraite initiatique de 72 heures à laquelle ils s’apprêtaient à assister, durant le week-end. Le Président de la Transition a voulu parler franc, s’éloignant, à l’occasion, loin, bien loin de l’usuelle langue de bois de ceux qui gouvernent. A ceux qui se préoccupaient de la qualité du repas, il a sèchement répondu que tout le monde se contentera du « sacraba » terme désignant la ration du soldat ; aux autres qui s’inquiétaient du confort du gîte, le patron des Forces spéciales a eu des maux encore plus durs « ceux qui seront sevrés du plaisir de trouver un lit de camp, se satisferont d’un matelas.
Voilà donc ces messieurs et dames bien avertis avant de prendre le chemin de Kaliya. Ils n’y allaient pas pour une partie de plaisir mais pour bosser dur, dans des conditions spartiates. Leur retraite serait bien différente de toutes celles qui avaient été organisées jusqu’ici, dans des hôtels de luxe offrant gîtes et couverts de qualité cinq étoiles. Ils allaient participer à un rite initiatique d’où ils partiraient transformés, élevés en être matures, pétris des qualités humaines sociales et professionnelles indispensables à l’avènement et à l’accomplissement du modèle de société postulé par le colonel Mamadi Doum-bouillant et ses ouailles des Forces spéciales.
Au terme de la retraite, ils sont passés de «l’état profane à l’état sacré», comme par exemple, en Forêt sacrée, où des non-initiés considérés comme des cadets sociaux entrent pour y acquérir une formation globale qui couvre tous les aspects de la vie de l’homme (sociologie, économie, médecine, histoire, géographie, sciences naturelles, agriculture, etc.) et qui fait d’eux, à leur sortie, des hommes mûrs, des adultes capables désormais de prendre part à la gouvernance de la société.
On sait que l’équipe gouvernementale est jeune et qu’une masse critique des ministres est peu habituée aux arcanes de l’Administration publique. Il ressort de ce qui précède la nécessité de renforcer la cohésion et la solidarité gouvernementales mais aussi de développer la pleine adhésion de l’ensemble des ministres aux principes et idéaux du CNRD. Comme il s’agit d’une sorte de réarmement du mental, de petites leçons de civisme ont dû y être dispensées. La signification des couleurs du tricolore national, de l’hymne, de la devise du pays et de l’armoirie, a dû être rappelée aux ministres. Combien d’adultes guinéens sont-ils capables de disserter convenablement et avec aisance sur ces questions ? Ils ne sont certainement pas très nombreux. Le jeu en valait de la chandelle !
Mesdames et messieurs les ministres quitteront le Moriah requinqués et vent debout contre les habitudes rétrogrades et nauséabondes (corruption, concussion, impunité, incivisme, etc.) qui gangrènent la société guinéenne et l’empêchent de s’améliorer. Alléluia ! De toute façon, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »
Abraham Kayoko Doré