La semaine dernière, considérant que la Fédération guinéenne de football n’assurait pas normalement ses missions, la FIFA lui a substitué un comité de normalisation plus apte à défendre le sacerdoce à lui confiée. Comme il n’y a jamais deux sans trois, on peut hasarder que les affres ne sont pas terminées pour ceux de qui dépendent la santé et le sort du sport roi, en Guinée. Mais tout le pays ne souffre-t-il pas de cette pathologie depuis le retentissement divorce d’avec la France, il y a 63 ans ?
La révolution a été une longue période de quête de normalité. L’ancienne norme construite et structurée par des valeurs inspirées par le système colonial, était dorénavant désuète et caduque. Elle devrait être décapée, éradiquée. Sur ses terreaux, devrait germer et prospérer la norme révolutionnaire à l’aune de laquelle toutes les valeurs sociétales devraient être appréciées. Un homme nouveau devrait être construit. Un long processus ponctué de moments forts comme celui de la révolution culture du début des années 70 a permis d’atteindre les résultats escomptés par les responsables de la révolution. Cette dynamique est rompue en 1984.
La norme patiemment et méthodiquement élaborée dans la logique révolutionnaire ne trouve plus grâce, aux yeux des Guinéens. Tout le monde la décrie et s’en détourne. Elle n’est plus qu’une idéologie écornée et des pratiques vomies, abjectes. Une nouvelle idéologie politico-économique, le libéralisme reflété par les initiatives privées, émerge et secrète la nouvelle norme dans laquelle la société, l’économie et les relations sociétales doivent se couler et épouser ses forces et ses faiblesses, ses avantages mais aussi ses inconvénients. Il s’agit du passage de la collectivisation des moyens de production, de la pensée unique au multipartisme et à l’initiative privée. La nouvelle norme doit être cultivée, propagée dans les interstices de la société, afin que tout le monde s’en imprègne. Tout le monde doit en faire son crédo, son bréviaire. Après une période d’incubation chaotique et éprouvante caractérisée par moult soubresauts, la normalisation devient peu à peu effective. La diaspora guinéenne, nombreuse, fortunée et cultivée, qui regagne le bercail à partir de 1984, contribue à cette mutation. Sa longue pratique de l’initiative privée en fait fréquemment un mentor dans le secteur privé.
Si des résultats significatifs sont obtenus en économie, il n’en est pas de même en politique. Là, les résultats sont mitigés. La normalisation qui devrait être l’appropriation de la démocratie, par le landerneau politique, a été un quasi-échec. Pour preuve, à la mort du Général Lansana Conté, l’ordre constitutionnel est brutalement interrompu. Le Président de l’Assemblée nationale, successeur constitutionnel, est prié par des jeunes officiers de leur céder le Kibanyi. Sinon… boum ! boum ! Et voilà une autre ère de transition-normalisation ouverte, avec les Dadishows comme stratégies de normalisation de la société guinéenne. Cette période a été éphémère que stérile. Elle s’achève avec l’élection d’Alpha Condé qui ne parvient pas à concrétiser son slogan de campagne de 2010 : « Ensemble, changeons la Guinée ». Il a été chassé de Sékhoutouréya sans changer ni les Guinéens ni la Guinée. A présent, le colonel Mamadi Dou-bouillant et ses copains sont en train de nettoyer les écuries d’Augias, pour normaliser les gens et les choses. Réussiront-ils ? Le Comité de normalisation de la Féguifoot et le CNRD ont du grain à moudre !
Abraham Kayoko Doré