Le 5 décembre 2013, Nelson Mandela, le Madiba, s’en allait de sa belle mort. Avec un parcours exceptionnel, il aura marqué son temps. Ce n’est pas tous les jours que des hommes de la carrure de Mandela naissent. Tout aura été dit et écrit sur le fondateur de la nouvelle nation Arc-en-ciel. Béchir Ben Yahmed, lui-même décédé le 3 mai dernier, rendait un vibrant hommage à Madiba dans le Jeune Afrique du 15 décembre 2013. Pour l’an huit de la disparition de Nelson Mandela, nous publions ci-dessous ce témoignage.

Né en 1918 à la fin de la Première Guerre mondiale, le plus illustre des Africains, Nelson Mandela, est mort dans la soirée du 5 décembre 2013, à l’âge de 95 ans. Les dix jours écoulés depuis son décès ont été marqués par un  hommage planétaire, dont les médias du monde entier ont largement rendu compte.

Ce qui a été dit et écrit sur cet homme hors normes que Barack Obama a qualifié de «géant de l’histoire» lui donne sa juste place.

Et m’inspire les observations que je vous livre ci-dessous.

  1. Appelé à faire l’éloge posthume du premier président d’Afrique du Sud libérée de l’apartheid,

le premier président noir des Etats-Unis a rédigé lui-même une oraison empreinte d’une contagieuse sincérité qui restera, à mon avis, comme son meilleur discours.

Remerciant les Sud-Africains de « partager Nelson Mandela avec nous », il situe celui-ci, d’emblée, comme « le dernier des grands libérateurs du XXe siècle ». Il rappelle que Mandela est entré en prison du temps de John F. Kennedy et de Nikita Khrouchtchev pour n’en sortir qu’à la fin de la guerre froide, souriant et serein, auréolé du statut d’icône mondiale, mais ne cachant ni ses doutes ni ses craintes, et proclamant : « je ne suis pas un saint, à moins que vous ne pensiez qu’un saint est un pêcheur qui s’efforce de s’améliorer. »

«  Ce qu’il a réussi aurait pu échouer, ajoute Obama. Mais il a maîtrisé ses colères, montré que le pouvoir de l’action et des idées était sans limite : cela paraît impossible jusqu’à ce que quelqu’un le fasse !

«  Il a pris des risques pour réaliser nos idéaux et n’a pas craint de faire des compromis.

« Avant nous tous, Mandela a discerné ce lien mystérieux, invisible à l’œil nu, qui fait que l’Humanité est une. C’est ce qui lui a permis de libérer dans le même temps et les prisonniers et leurs geôliers : ‘’Si vous voulez que les autres aient confiance en vous, il faut que vous leur montriez que vous avez confiance en eux’’, nous a enseigné Mandela.

«Mandela n’a pas seulement changé des lois et un système ; il a modifié ce qu’il y a dans les cœurs.»

Barack Obama a conclu : «Chacun de nous doit se poser la question : ‘’ Ai-je bien retenu et appliqué dans ma vie les leçons de Madiba ? ‘’ Moi-même, en tant que président et en tant qu’homme, je me pose la question…

« Mandela a été le maître de son destin, le capitaine de son âme.

« Nous ne verrons plus quelqu’un de sa stature. Son exemple est trop élevé, mais il donne à chacun de nous la volonté de s’améliorer.»

  • Les chefs d’Etat (ou de gouvernement) de la quasi-totalité des pays africains ont fait le déplacement pour assister aux obsèques de Nelson Mandela. A eux plus particulièrement s’adresse ce reproche que Barack Obama a sciemment inclus dans son oraison. « Ils sont trop nombreux ceux qui admirent Mandela à toute réforme qui pourrait faire reculer la pauvreté et les inégalités ; on ne peut pas clamer sa solidarité avec la lutte de Mandela pour la liberté et, chez soi, réprimer toute opposition. C’est de l’auto complaisance ou du cynisme. »

Dit avec moins de diplomatie, cela donne ce paradoxe : les Africains sont légitimement fiers que leur continent ait produit un si grand homme, sans équivalent dans le monde, peut-être le dernier de l’Histoire. Mais ils constatent, non sans malaise, que son exemple est encore moins suivi en Afrique que sur les autres continents : ce Mandela qui incarne mieux que tout autre «le combat du bien contre le mal» n’est pas prophète dans son continent. Ni même dans son pays, où le troisième président post apartheid, Jacob Zuma, donne l’impression de n’avoir rien retenu de l’enseignement de Madiba.