Depuis son arrivée à la tête de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló multiplie les déplacements internationaux et les déclarations tonitruantes. La Tribune Afrique a rencontré le président bissau-guinéen qui s’exprime à brûle-pourpoint sur la sécurité et se dit prêt à davantage d’interventionnisme.
La Tribune Afrique : Quelle est la raison de votre présence au Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité ? (Entretien réalisé le 6 décembre 2021 au Centre international de conférences Abdou Diouf à Diamniadio).
Umaro Sissoco Embaló, président de la République de Guinée-Bissau : La question de la sécurité est globalisée. Aucun pays n’est épargné par ce fléau qu’est le terrorisme et c’est la raison de ma présence au forum de Dakar, à l’invitation du président Macky Sall. Nous sommes ici avant tout pour exprimer notre solidarité vis-à-vis des pays du G5 Sahel, notamment envers le Mali et le Niger. Aujourd’hui, nous avons nous-mêmes des problèmes en Guinée Conakry, qui est un pays frontalier de la Guinée-Bissau […] Je pense qu’on doit se mobiliser et être plus interventionniste sur les questions de sécurité.
De quelle façon la Guinée-Bissau est-elle impliquée dans des opérations de maintien de la paix en Afrique, en particulier au Sahel ?
Nous ne sommes pas impliqués directement dans les opérations au Sahel, mais plusieurs fonctionnaires de la Guinée-Bissau sont présents au sein de la Minusma [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, ndlr]. Je suis d’avis qu’il faudrait mobiliser une force sous-régionale de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [CEDEAO, ndlr] à laquelle la Guinée-Bissau pourrait participer, avec des militaires engagés sur le terrain.
Le 27 juin dernier, vous déclariez que la Guinée-Bissau était prête à venir en aide au Burkina Faso qui est frappé par de violentes attaques terroristes. Qu’entendiez-vous par là exactement ?
C’est un pays frère. D’ailleurs, le Burkina Faso avait envoyé des militaires en Guinée-Bissau dans le cadre d’une mission de la CEDEAO [la mission ECOMIB, entre 2012 et 2020, ndlr]. Nous pourrions faire la même chose aujourd’hui pour le Burkina Faso.
Fin octobre 2021, vous étiez reçu à Paris par le président Emmanuel Macron qui a salué les efforts de la Guinée-Bissau pour lutter contre les trafics de drogue. Quelle est la stratégie nationale pour endiguer ce phénomène ?
J’ai ramené la Guinée-Bissau dans le concert des nations afin que la communauté internationale regarde notre pays autrement, car c’est l’homme qui fait la fonction. Je pense aussi que ce qui a été constaté par le président Emmanuel Macron avait été entamé par mes prédécesseurs. Le président français a donc reconnu une progression de la situation.
Combien de trafiquants de drogue ont été arrêtés depuis votre accession à la présidence en février 2020 ?
Aujourd’hui, nous n’avons pas de trafiquants de drogue dans notre pays. Le problème de la drogue n’est pas en Guinée-Bissau, il se passe en Europe ! Mon slogan de campagne reposait sur la lutte contre la corruption et contre les trafics de drogue et cette situation a pris fin avant mon arrivée à la présidence, alors…
Les Etats-Unis ont promis 5 millions de dollars à quiconque permettrait d’arrêter l’ancien chef d’Etat-major bissau-guinéen, Antonio Indjai, pour son implication présumée dans un trafic de drogue avec les FARC colombiens ? Votre refus est-il catégorique ?
J’ai dit que nous n’extraderons pas nos concitoyens. Dans ce cas là, moi je vais chercher Obama qui a cassé la Libye et le juger pour cela. Si l’on m’envoie Obama, alors je livrerais Antonio Indjai !
Début 2021, le Fonds monétaire international annonçait un financement de 20,4 millions de dollars en Guinée-Bissau. De quelle façon ces fonds permettront-ils de soutenir l’économie bissau-guinéenne ?
Nous sommes dans une dynamique de transparence en matière de gestion publique. Nous combattons la corruption. D’ici quelques mois, nous engagerons un programme avec le Fonds monétaire international et cela fait très longtemps que ce n’était pas arrivé. Pendant 20 ans, nous avons été absents. Aujourd’hui, nous commençons seulement à nous relever […] En novembre 2021, nous avons aussi signé un protocole d’accord avec la Chine [dans le cadre du programme de la Ceinture et de la Route, ndlr] et je précise que c’est un don et non un prêt.
Propos recueillis par Marie-France Réveillard