A César ce qui est à César, nous enseigne l’adage. Au propriétaire, la chose qui lui est due. Nul ne doit s’approprier i ndument la propriété d’autrui. Il s’agit d’une lapalissade. Mais le caractère calamiteux de la gouvernance politico-administrative du bled enhardit les « en haut d’en haut » guinéens et leurs cercles à fouler aux pieds ces règles élémentaires, notamment en matière domaniale. C’est ainsi que tout le long de l’histoire de la République de Guinée, en particulier à partir de 1984, nombre de grands commis de l’Etat n’ont eu que dalle, souvent en abusant de leur autorité politique et administrative, de rogner à l’Etat, çà et là, quelques lopins de sa propriété domaniale.

Des citoyens, observateurs avisés et impénitents, ont par moments, relevé ces abus d’autorité et expropriations irrégulières. En vain. Les gouvernements, en quête d’arguties, de « topos » pour traquer et discipliner des opposants dérangeants, des challengers aux longs couteaux entre les dents, ont fréquemment agité ces tares, comme les toréadors avec leur chiffon rouge pour exciter les taureaux, dans l’arène. Les gouvernements qui ont agi ainsi n’ont en réalité jamais eu la volonté d’aller au-delà de simples effets  d’annonce, des coups de gueule de campagne électorale. Depuis des lustres, on tympanise le populo avec la rengaine des Premiers ministres qui se sont emparés de domaines de l’Etat, en usant de leur position. En visant seulement et toujours les deux anciens premiers ministres qui sont les challengers les plus redoutables de ceux qui gouvernement, ces rengaines laissent perplexes et surtout dubitatifs les observateurs qui s’intéressent à la question.

La réintégration dans le portefeuille de l’Etat des domaines publics bâtis ou non dont il a été amputé illégalement et la condamnation des commis de l’Etat coupables, est salutaire. Il faut donc se réjouir de la création de la Commission interministérielle chargée de la récupération des biens de l’Etat. Mais on doit être vigilant, car le châtiment doit être mérité, juste et équitable. Il ne doit pas y avoir du deux poids deux mesures. La conviction et l’appartenance politiques ne doivent pas impacter la recherche de la vérité permettant de prouver la sincérité de la procédure d’attribution du domaine nu ou bâti.

De toute évidence, pareille investigation doit être menée non pas par des fonctionnaires insatiables et indécrottables corrompus, incrustés dans les interstices de l’administration, mais par des structures privées spécialisées dont la célérité est avérée, sous la férule de la Commission en charge de cette corvée. Cette commission composée essentiellement de ministres devrait faire montre d’une extrême vigilance pour ne pas s’enivrer dans des règlements de comptes, se faire détester et perdre toute crédibilité, ce qui rendrait ses conclusions et recommandations nulles et nobles d’effet, donc inapplicables à cause de la réprobation populaire  et de probables mouvements sociaux qu’elles pourraient provoquer. L’image de Robin des Bois que distille actuellement le colonel Doum-bouillant et celle de soldats sauveurs que le CNRD irradie depuis le 5 septembre s’en terniraient considérablement. La commission s’en tirerait alors tout penaude. Un travail mal fait, bâclé mettra tout le monde à mal. Personne n’en rira. Sauf les sempiternels oiseaux de mauvais augure.

Abraham Kayoko Doré