Reporters sans frontières (RSF) demande la libération de deux journalistes inculpés et emprisonnés depuis plusieurs jours pour avoir critiqué des membres du gouvernement. Après les révélations liées à l’espionnage par les autorités de plusieurs journalistes du pays, ces détentions arbitraires jettent un immense discrédit sur la politique des médias au Togo.
Déjà un week-end en prison pour de simples critiques lors d’une émission. Vendredi 10 décembre, Ferdinand Ayité et Joël Egah, respectivement directeur de publication des journaux L’Alternative et Fraternité, ont été entendus par la brigade de renseignement et d’investigation, puis inculpés pour «diffamation» et «outrage à l’autorité» et placés sous mandat de dépôt. Il leur est reproché des propos tenus dans «L’autre journal», une émission d’actualité et de débats très populaire diffusée sur Youtube par la web-télé du journal L’Alternative. Au cours des échanges, deux ministres, qui ne sont pas nommément cités, sont notamment associés à des détournements de fonds. Également entendu, Isidore Kouwonou, le présentateur de l’émission a été placé sous contrôle judiciaire.
Joint par RSF, l’avocat des journalistes détenus, Maître Elom Kpade, dénonce une «forfaiture juridique» et un dossier monté sur simple dénonciation par les autorités sans que les ministres visés n’aient même déposé plainte. Le Code de la presse du Togo ne prévoit plus de peine privative de liberté depuis 2004 au Togo mais l’accusation estime que les faits relèvent du droit commun car ils se sont déroulés sur un «réseau social».
«La détention de ces journalistes constitue un contournement flagrant et honteux du droit de la presse, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Le droit qui s’applique pour les journalistes sur les médias traditionnels doit aussi s’appliquer pour ceux qui exercent en ligne. Il est évident que les faits reprochés relèvent bien de l’exercice de leur fonction. Ces journalistes n’ont donc rien à faire en prison. Nous demandons leur libération.»
La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), qui est habilitée selon l’article 16 de la loi organique fixant ses attributions à prendre des décisions «en matière de presse écrite, audiovisuelle et en ligne», n’a pas réagi à cette arrestation. Joint par RSF, son président a refusé de répondre à nos questions.
Les journalistes et médias critiques sont régulièrement menacés ou sanctionnés au Togo. L’Alternative a déjà été suspendue quatre mois en début d’année sur plainte d’un ministre. Son directeur de publication Ferdinand Ayité fait également partie des journalistes ciblés pour une surveillance potentielle par les autorités togolaises comme l’avait révélé un consortium de journalistes d’investigation. Le Togo avait alors été pointé du doigt pour son utilisation dévoyée du logiciel d’espionnage Pegasus commercialisé par la société israélienne NSO en ciblant notamment des journalistes. Ferdinand Ayité fait partie des 24 journalistes issus de 9 pays qui se sont joints à des plaintes déposées par RSF à l’ONU et devant la justice française.
Le Togo occupe la 74e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.
Reporters Sans Frontières