Alors que les transitions guinéenne et malienne figuraient en bonne place au menu du 60e Sommet ordinaire des chefs d’Etat de la Cedeao, à Abuja, le CNRD totalise ses cent jours au pouvoir. Si la junte dirigée par le colonel Doum-bouillant a concocté une Charte de transition, nommé un Premier ministre et un gouvernement presqu’entièrement civil, promis entre autres de restituer le pouvoir à terme, des interrogations et des inquiétudes persistent. La durée de la transition et la composition du Comité national de rassemblement pour le développement demeurent mystère ; le Parlement provisoire, le CNT, tarde à se mettre en place. L’ancien président, Alpha Grimpeur, a été déplacé mais pas libéré, au grand dam de la Cedeao et du RPG arc-en-ciel. Cent jours du CNRD au pouvoir, c’est leurre du bilan !

Des jalons et des interrogations

Le 14 décembre 2021 fera cent jours depuis que le CNRD (Comité national du Rassemblement pour le Développement) a déposé Alpha Grimpeur et son régime. C’était le 5 septembre à la faveur d’un coup d’Etat militaire qui a mis un terme à un « coup de force constitutionnel ».

Cent jours après la chute du régime d’Alpha Grimpeur, l’heure est au bilan du CNRD qui boucle ainsi sa période de grâce.

Le CNRD a commencé par des actions symboliques qui ont contribué à apaiser la situation, soigner des blessures et redonner espoir aux Guinéens : libération des opposants politiques, visite des lieux symboliques (cimetière de Bambéto, mausolée de la Camayenne, la tombe du Général Fory Coco à Bouramaya), celle rendue à Hadja André Touré, veuve de Sékou Tyran ; la suppression des barrages et le démantèlement des PA (Postes avancés) sur l’Axe Hamdallaye-Kagbélin, installés par le régime pour « prétendument » lutter contre l’insécurité…« La quête de légitimé exigeait donc du CNRD des actes qui rassurent l’opposition et ses nombreux militants », soutient-on.

Pour un souci d’inclusion, le colonel Doum-bouillant a tenu des « consultations nationales », pour écouter et comprendre les maux dont souffrent la Guinée et les Guinéens.

Charte de la transition

Après le putsch du 5 septembre, la junte a publié la Charte de la transition. Le texte de 84 articles balise le chemin, rappelle les missions de la transition. Précision importante : « Aucun membre des organes de la transition ne sera candidat lors des prochaines élections ». Grand inconnu : la durée de la transition, laquelle devra être déterminée par le futur CNT. 

Béa au palais de la Colombe

Pressenti à ce poste depuis 2007, Mohmed Béa a enfin été nommé Premier ministre. Un habitué des institutions internationales, qui a notamment travaillé à la FAO. Un gouvernement de 27 ministres et 2 secrétariats généraux a été accouché au forceps. L’effectif est jugé raisonnable. Le CNRD a tenu sa promesse d’inclusion et de ne recycler aucun ancien dignitaire. Entre autres faits marquants, l’équipe ne comprend que deux officiers à la retraite. Plusieurs milliers hommes en uniforme et des fonctionnaires ont justement fait valoir leurs droits à la retraite.   

Défis, doutes et méfiance

Si les premiers actes du CNRD semblent rassurer, la durée de la transition encore inconnue et le retard de l’installation du Conseil national de la transition suscitent des doutes et de la méfiance. En faisant attention aux éléments de langage (refondation, reconstruction) utilisés par la junte, il y a crainte que la Guinée s’engage dans une transition qui dure. Kémoko Touré, ancien dirlo de la CBG, met les poings sur les ires : « La refondation, selon ma compréhension, c’est créer les conditions pour que le CNT puisse voter des textes et mettre en place l’ossature des Institutions fortes que le pouvoir qui viendra ne pourra en aucun cas remettre en cause. Il ne s’agit pas de mettre en place une ou des visions qui nécessitent dix, vingt voire trente ans pour leur réalisation. Une transition ne doit pas durer. Sinon, elle devient dictatoriale et répressive. Je pense qu’une transition, au bout de deux ans au maximum, doit être bouclée par des élections. La force d’une transition, c’est préparer des élections démocratiques. »

Kémoko Touré pense tout de même qu’il y a des urgences à corriger : « Organiser des véritables audits et traduire les délinquants économiques devant la justice. En plus du contrôle, il faut penser à valoriser le salaire de ceux qui engagent l’Etat dans des transactions importantes ».

Th Hassane Diallo