«La justice sera notre boussole», avait promis le colonel Doum-bouillant, après s’être emparé du pouvoir le 5 septembre, en renversant Alpha Grimpeur. Qu’a fait la junte du CNRD pour matérialiser cet engagement ? Cent jours du CNRD au pouvoir, c’est leurre du bilan !

Indépendance de la justice

D’aucuns relèvent une certaine amélioration dans le fonctionnement de la justice et notamment l’indépendance des robins. « Le fait que par une ordonnance,  le président de la transition soit revenu aux dispositions de la Constitution de 2010 relatives au mode de nomination des magistrats est la preuve de cette volonté. Désormais, les magistrats sont nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ce que la Constitution de 2020 avait supprimé. Et toutes les formations du Conseil supérieur de la magistrature sont présidées par le premier président de la Cour suprême », se réjouit l’avocat (sans vinaigrette) Mohamed Traoré. Qui s’empresse d’ajouter : « Mais les textes sont une chose, leur application en est une autre ».

Lutte contre l’impunité

Le régime déchu a péché en matière de lutte contre l’impunité. « Tant que les dirigeants ne feront pas de cette question un axe prioritaire de l’action publique, l’impunité continuera de plus belle », fait remarquer l’ancien bâtonnier de l’ordre. « Mais la lutte contre l’impunité ne doit pas concerner uniquement les délits économiques et financiers. Les auteurs des crimes de sang doivent répondre de leurs actes, sinon cela encouragera leur répétition », renchérit-il.

Allusion à la création de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières) par la junte qui, visiblement, met un point d’honneur sur le volet reddition des comptes. La CRIEF reste « incontestablement un instrument de lutte contre la délinquance économique et financière, poursuit Mohamed Traoré. Le fait qu’elle soit une juridiction spécialisée est un atout : elle pourra mieux cerner les infractions économiques et financières qui présentent parfois un caractère technique et complexe. Il faudrait donc des magistrats au fait de ces questions pour faire fonctionner efficacement cette Cour. »

Réhabilitation, apaisement

Faut-il craindre que ces réformes, engagées par des putschistes, soient remises en cause par la suite ? Les partisans du 3e mandat s’étaient adossés sur un tel alibi pour justifier l’adoption d’une nouvelle Constitution remplaçant celle du 7 mai 2010. « Le CNT, comme indiqué dans la Charte de la transition, fera office de Parlement provisoire. En attendant,  le président de la transition est dans son droit de légiférer par voie d’ordonnance. Des mesures prises pendant la transition pourraient bien être remises en question après celle-ci, mais faut-il que ce soit pour des raisons qui le justifient », prévient l’avocat.

D’autres actes, relevant de la justice transitionnelle, ont également été posés par la junte, remarque une autre avocate, Halimatou Camara: visite au cimetière de Bambéto, érection de stèle sur les tombes de Kaman Diaby et de Fodéba Keita à Coyah… « La réhabilitation des morts et la reconnaissance des crimes sont des points positifs », constate celle qui a fait de la défense des droits humains, notamment des femmes, son crédo.

Pour matérialiser son slogan « la justice sera la boussole de la transition », la junte a commencé à élaborer des textes, fait plusieurs annonces dont la tenue prochaine du procès contre les auteurs du massacre du 28 septembre 2009…Il lui reste à traduire sa bonne volonté théorique en actes concrets, en se montrant exemplaire dans le respect de la loi et de la lutte contre l’impunité. Ce qui passerait (aussi) par le jugement rapide d’Alpha Grimpeur ou, à défaut, sa remise en liberté. La menace qu’il représenterait pour le pouvoir n’est pas un motif légal pour le garder indéfiniment, au risque de l’imiter.

Diawo Labboyah