Entre le colonel Mamadi Doum-bouillant et l’Association des victimes du Camp Boiro, la rupture est totale. L’AVCB ne digère pas le fait que le Prési de la transition ait décidé de rebaptiser l’Aéro-hangar de Cona-cris Gbessia du nom de Ahmed Sékou Tyran. Ses membres l’ont réitéré lors d’une conférence de stress,  ce 18 décembre à la Maison de la presse.

Le Chef de la junte ne pouvait certainement pas s’attendre à une telle avalanche de critiques de l’opinion publique. Après une première déclaration condamnant l’acte, l’Association des victimes du Camp Boiro est revenue à la charge pour dénoncer ce qu’elle appelle la banalisation des victimes de l’ancien Président. Abdoulaye Conté, prési de l’AVCB, explique : « Sékou Touré fait partie des héros de l’indépendance comme bien d’autres, mais son côté tyran a marqué la Guinée pour toujours. Nous parlons d’un tyran qui laisse derrière lui plus de 50 000 morts dans des fosses communes. Le décret du CNRD vient banaliser les victimes. Comment peut-on les oublier ? Arrêtons de travestir l’histoire ».

Conté invite le Prési de la transition de rapporter purement et simplement le décret : « C’est un décret de division, il nous alarme. La seule chose que l’Association des victimes demande aujourd’hui, c’est son retrait pure et simple parce qu’il divise les Guinéens ».

Coup de poignard à la cohésion nationale

Les victimes de Sékou Tyran n’entendent pas se limiter à la dénonciation. Elles n’excluent pas la possibilité de se tourner vers la justice guinéenne, voire celle internationale : « C’est l’ignorance qui a conduit à une telle décision (…) Chaque deux ou trois années, le régime de Sékou Touré avait un prétexte pour arrêter des Guinéens, les torturer, les tuer et les jeter dans des fosses communes (…) Nous allons nous organiser pour porter l’affaire devant la justice. C’est un acte administratif malgré tout. On peut l’attaquer. Il y a des motifs suffisants : il fait l’apologie de la torture, du crime et de l’impunité et il porte un coup à la cohésion nationale. C’est un véritable coup de poignard qu’on nous administré », déclare Boubacar Barry, membre de l’AVCB.

Et Tierno Monenembo d’enfoncer le clou : « Cet acte est ignoble ! C’est un coup de poignard dans le dos de la démocratie guinéenne, un puissant facteur de division. Cet acte est complètement illégal, le colonel Doumbouya n’a aucune légalité, aucune légitimité pour baptiser ou débaptiser un lieu en Guinée. Il n’est pas un Président de la République, c’est un putschiste. Il est là du fait qu’il nous a débarrassés d’Alpha Condé. Il n’a rien à décréter. Le colonel Doumbouya est dans l’illégalité la plus totale. L’acte est plus illégal que le 3e mandate d’Alpha Condé. Dans un pays normal, il aurait été destitué et foutu en prison”. L’écrivain appelle les Guinéens à continuer la lutte :”Il faut qu’on sorte de la résignation. Affrontons les barbares ! On ne discute pas avec les barbares, on les combat ! Ce combat doit commencer maintenant à travers la justice”

Foniké Menguè, défenseur de la démocratie ?

Le combat pour le changement de nom de l’Aré-hangar a été porté par des admirateurs de Sékou Tyran. Parmi eux, le chargé des antennes et de la mobilisation du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Menguè. Boubarcar Barry relève une contradiction dans ses prises de position : « Certaines personnes de la société civile se gargarisent de tout cela. Foniké Menguè qui se dit aujourd’hui sentinelle de la démocratie, des droits de l’Homme glorifie Sékou Touré. Mais en même temps il condamne ce qu’Alpha Condé a fait. Foniké Menguè a eu de la chance, il est sorti de prison, on l’amenait à l’hôpital quand il était malade. Heureusement qu’il est ressorti retrouver sa famille. Avec Sékou Touré, tous sont morts. C’est une situation que nous ne pouvons pas accepter ».

Yacine Diallo