Face aux multiples actes d’incivisme qui dégradent l’environnement dans la préfecture, La Lance a fait réagir Hadja Djamilatou Diallo. Depuis 2010, elle est la directrice préfectorale de l’environnement et du développement durable de Pita.
Telle une ceinture de sécurité, la ville de Pita est en partie comprise entre deux cours d’eau qui auraient pu faire sa beauté : Péty à l’entrée (sud) pour qui vient de Dalaba-Conakry et Koubi, à la sortie (nord) vers Labé. Les deux rivières ont été transformées en dépotoir sous les yeux des autorités, à la fois impuissantes et complices. On y fait le linge et jette ceux qui sont usés, les couches Pampers aujourd’hui importés en Guinée de manière incontrôlée – y compris en version friperie. Pire, des véhicules de transport, voire de fonctions (appartenant parfois aux autorités) sont lavés jusque dans le lit des deux cours d’eaux, en y laissant toute sorte d’huileries et d’impuretés nuisibles à la biodiversité aquatique.
Le Lac de Oustoyah situé près du lycée préfectoral du même nom, dans la commune urbaine, est quant à lui envahi par des cultures maraîchères. Il était pressenti à des projets piscicoles. Face à ces dégâts environnementaux, notre rédaction a fait réagir Hadja Djamilatou Diallo, directrice préfectorale de l’environnement et du développement durable de Pita.
La Lance : Quel regard portez-vous sur les menaces environnementales à Pita, notamment la pollution des cours d’eau de Péty et Koubi ?
Hadja Djamilatou Diallo : En 2018-2019, des ONG affiliées à l’environnement au niveau préfectoral, dont l’AJPE (Association des jeunes pour la protection de l’environnement), travaillaient avec nous. On avait assaini les deux cours d’eau. Leur lit, transformé en poubelle, était complètement envahi par des habits usés, des couches Pampers…L’eau ne ruisselait plus et était polluée. Après l’assainissement, tout était redevenu normal. La diaspora avait financé le nettoyage et même l’érection d’une clôture grillagée, pour protéger l’écosystème. Mais l’opération n’a pas été rééditée en 2020 et 2021, faute de moyens.
On dit : « Nettoyer est bien, ne pas salir est meilleur ». Mais les gens continuent d’y faire le linge, pire d’y laver des véhicules…
La commune, la radio rurale et nous autres n’avons pas manqué de faire des séancesde sensibilisation, des tables-rondes sur la préservation de l’écosystème dans ces rivières. Mais les populations persistent.
Faudrait-il envisager des sanctions vu que la carotte ne réussit pas ?
Bien sûr. C’est dans l’intérêt de tout le monde : quand il y a l’hygiène, il y a la santé. Surtout en ces périodes d’épidémies.
Il y a aussi la situation alarmante du Lac de Oustoyah envahi par des cultures potagères en lieu et place des projets piscicoles préalablement envisagés…
A ma nomination, je m’étais rendue sur ce patrimoine de l’Etat, des eaux et forêts. Avec le maire, nous avons organisé des assises avec les riverains qui faisaient du maraichage. On leur a dit de déguerpir. J’ai encore dans mon bureau la décision d’interdiction. Beaucoup de promoteurs ont visité le lieu, mais ont été découragés visiblement par son état de délabrement. Le viabiliser nécessitant de gros moyens. Sinon, certains voulaient en faire un étang piscicole.
Quelles sont les autres menaces qui pèsent sur l’environnement à Pita ?
Avec le changement climatique, l’environnement est aujourd’hui menacé. On a des fours à briques aménagés au niveau des lits des cours d’eau ; le déboisement ; le feu de brousse ; la carbonisation…Néanmoins, avec les conservateurs de la nature, nous interpellons les contrevenants dans les sous-préfectures.
Parlez-nous de vos initiatives pour limiter les dégâts environnementaux à Pita ?
Les ONG : Les amis de Pita et Les amazones, regroupées au sein du Mouvement debout, composé des ressortissants de la préfecture à l’étranger, avaient projeté de mobiliser cinquante mille plants pour la campagne de reboisement 2021. Finalement, on n’en a reçu que huit mille plants, répartis dans cinq sous-préfectures : Bourouwal Tappè, la commune urbaine, Sintaly, Timbi Tounni et Sangaréah. Pour ce qui est de Sintaly, on a reboisé les berges du fleuve Kokoulo afin de protéger le barrage hydroélectrique de Kinkon. Soit 2500 plants. Le 10 novembre, j’ai été faire le suivi. Le taux de réussite est de 75 %. J’ai réalisé une vidéo et un mémo pour leur préservation contre le feu de brousse que j’ai transmis aux donateurs.
Il faut les moyens humains, matériels et financiers pour freiner la dégradation accélérée de l’environnement. On a des forêts classées à identifier pour les différencier de celles qui sont naturelles, afin que les gens sachent qu’il est interdit d’y couper des arbres. Les cantonnements en collaboration avec les populations locales allument des feux précoces, une sorte de ceinture de sécurité, de pare-feu au niveau des routes et des plantations, pour prévenir les grands feux de brousse et limiter les dégâts. Ce sont entre autres mesures de préservation de l’environnement à Pita.
Entretien réalisé par
Diawo Labboyah Barry