Reporters sans frontières (RSF) dénonce les graves pressions exercées par l’agence nationale de renseignement du Nigeria, qui cherche à identifier la source d’un site d’information après la publication d’un mémo confidentiel compromettant sur le directeur général de ce service.
Le patron des services de renseignement du Nigeria cherche-t-il à faire tomber un site d’information pour sauver sa tête ? Lundi 10 janvier, quatre agents de l’agence nationale de renseignement (NIA) ont débarqué dans les locaux de Peoplesgazette.com, un site d’information réputé pour la qualité de ses enquêtes, basé à Abuja, la capitale du pays. Les quatre hommes étaient à la recherche du directeur de la publication et d’un journaliste, qui n’étaient pas sur place au moment de leur intervention. Ils ont manifesté leur volonté d’identifier la source d’un mémo confidentiel ayant fait l’objet de plusieurs articles sur le site en décembre dernier.
Ce document, adressé au président Buhari, indique que Ahmed Rufai Abubakar, l’actuel directeur général du NIA, a été mis à la retraite forcée en 2012 après avoir échoué trois fois de suite à un examen de promotion interne. Les agents du NIA ont également remis une lettre aux membres de la rédaction sur place dans laquelle ils reprochent au média de ne pas avoir contacté l’agence pour vérifier l’authenticité du document, et menacé d’utiliser “d’autres options” si les responsables du site ne fournissait pas le mémo original et l’identité de son ou de ses auteurs. Dans sa réponse, peoplesgazette.com a maintenu l’authenticité de ses informations et a précisé avoir reçu la confirmation de la réception de ce document par la présidence du Nigéria.
«Nous dénonçons avec la plus grande fermeté les pressions exercées sur cette rédaction, qui contreviennent aux droits les plus élémentaires des journalistes, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Que des services de renseignement mènent un raid dans une rédaction pour identifier l’une de ses sources dans le seul but de protéger ses propres intérêts est extrêmement dangereux. RSF appelle les autorités à cesser leur harcèlement contre ce site, qui fait constamment l’objet de pressions et de menaces en raison du sérieux et de la qualité de son travail.»
Depuis un an, peoplesgazette.com est délibérément bloqué par les autorités. Cette mesure est intervenue quelques mois seulement après le lancement du site et ses premières révélations, notamment concernant les privilèges accordés au fils du directeur de cabinet du président Nigérian, qui avait pu bénéficier de certains accès et de responsabilités sans avoir aucun rôle officiel au sein de l’exécutif.
La situation des journalistes et des médias au Nigéria n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Le pays est de loin le plus répressif mais également l’un des plus dangereux pour les reporters en Afrique de l’Ouest. Depuis 2019, trois ont été tués en marge de manifestations ou de rassemblements et de nombreux autres ont été violemment agressés ou arrêtés en marge de ces événements. Ces violations sont perpétrées dans la plus grande impunité, ce qui pousse des journalistes à l’autocensure ou à fuir.
Le Nigeria occupe la 120e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
Reporters Sans Frontières