lundi 7 février 2022. Le Lynx fête le 30è anniversaire de son existence. Hasard du calendrier peut-être, le 7 février 1992 tombait sur un lundi ! Trente ans, c’est l’âge adulte pour un être humain. Dans la presse guinéenne, surtout écrite, l’espérance de vie ne s’exprime pas en décennies, mais en mois. Force est de remercier de tout cœur notre Créateur d’avoir permis à l’équipe de l’hebdo, nombreuse, variée, volontariste, de survivre, et parfois vivre, trente ans durant. Aux grandes plumes qui nous accompagnent, nous souhaitons succès et longévité. A celles qui nous ont quittés pour d’autres destinations ici-bas, bonheur et prospérité. A celles qui nous ont devancés pour l’au-delà, le paradis éternel. A vous, lecteurs du 1556è numéro, nous servons le premier éditorial du Lynx naissant, celui du 7 février 1992. Bonne lecture !
Editorial : Naissance et renaissance
Le Lynx est né, satirique et indépendant. Conçu voici bientôt deux ans, il ne pouvait naître qu’avec le processus démocratique que vient d’amorcer notre pays. Son ambition ? Contribuer à enrichir le paysage médiatique guinéen, qui renait petit à petit à la vie. Il était déjà né, ce paysage médiatique depuis 34 ans ; dans la précipitation du référendum d’un certain 28 Septembre, dans l’euphorie de la victoire d’un certain 2 Octobre. Je ne sais pas s’il avait été pris dans le tourbillon ni s’il avait pris part à l’euphorie. Je ne me souviens plus. Mais il avait proclamé sa liberté. On lui en avait donné les instruments. Ceux-ci, bien sûr, ne pouvaient résister à l’usure du temps. A force de crier sa liberté sous la dictée de la loi du silence, du bâillon et du conformisme, il a fini par perdre la voix. Que dis-je ? La voie. Il s’est endormi, bouche cousue, les yeux ouverts.
Aussi, au réveil du 3 avril 1984, s’est-il surpris en train de crier en chœur et de cœur avec le peuple de Guinée : «Je suis libre». Dans la précipitation et dans l’euphorie. Huit ans après, voilà entre les mains de ce peuple un nouvel instrument de liberté qui a pour nom la Loi Fondamentale, adoptée par le verdict des urnes le 23 décembre 1990. Aujourd’hui, voilà dans ce paysage médiatique, un nouveau moyen de se libérer, la loi sur la liberté de presse, adoptée seulement le 23 décembre 1991. Quel usage en fera-t-il ? Qui usera qui ?
En tout cas, la loi du silence, du bâillon et du conformisme n’est pas l’apanage d’un régime, d’un pays ou d’un continent. C’est un clignotant rouge sur le tableau de bord de la liberté ; un baromètre sous le ciel de la démocratie, un miroir qui réfléchit, dans la presse, l’image et le degré de coercition des gouvernants sur les gouvernés.
Voilà donc le Lynx né pour réfléchir, aux côtés de ses aînés de la presse privée et étatique. Il sera Lynx ou taupe, selon la force des lois ou des choses. Il sera ce Lynx aux yeux limpides auxquels rien ne devrait échapper, dans un environnement prêt à accueillir des Lynx. Autrement, il se muera en taupe, frappé qu’il sera par la cécité des Rivières (du Sud). L’environnement, itou ! De gré ou de force. Quelle perte !
Diallo Souleymane