En souvenir de Williams Sassine, initiateur de la célèbre rubrique Chronique Assassine, décédé le 9 février 1997, nous publions une de ses chroniques chaque année. Pour cette année, les lecteurs se délecteront de sa toute première chronique publiée dans Le Lynx N° 4 à la page 3, le 16 mars 1992. Succulent !

Monsieur le journaliste, tu viens du nouveau journal. Tu peux dire que ça va. Wallahi, pour nous les militaires ça s’améliore. D’ailleurs si tu n’es pas content, je te tire dessus et il n’y aura rien. J’ai un fusil, des cartouches et on a le pouvoir là, on le garde. D’abord quand on est venu tout était interdit. Le derrière, le devant, la parole, le silence.

Wallahi ! Il y a une mouche dans ton verre, mon frère. Attends je vais l’écraser dedans.

Quand tu es dans quelque chose, tu restes dedans. Moi, je suis dans les militaires, je reste dedans. Tu vas me demander, nous les militaires, c’est quoi, c’est qui, c’est que, c’est n’importe quoi… Moi je ne connais pas les points de suspension. Regarde notre Président, est-ce qu’il parle en points de suspension.

C’est un vrai militaire, lui. Il est droit et vigilant, comme un point d’exclamation. Et si tu n’es pas content, tu vas à la ligne.

Wallahi pas de ligne, pas de caserne. Toutes les choses ne sont pas bonnes à dire. Mais on nous prend pour des chèvres ou des armoires ? Mais moi, je vais parler.

Wallahi je suis comme le patron. Je ne suis pas méchant, mais plus. C’est Général lui. Il n’est pas instruit, il n’est pas beau, mais c’est lui qui nous a donné le courant et l’eau quand le Pape est venu. Est-ce que ton journal peut nous donner le courant, même si le bon Dieu vient. Arrêtez de vous moquer de lui. Il sait tuer.

Fanta ! Fanta !

Elle n’est pas encore là. C’est 10 heures. L’heure du marché, soi-disant. Elles vont à gauche, à droite ou tout droit pour compléter, soi-disant encore leurs conditions, avec leurs petits amis, alors que c’est pour nous fabriquer les civils dans le dos.

Mais wallahi, ça va pas durer.

Quand on a pris le pouvoir, je n’avais qu’une femme. Maintenant j’en ai quatre. Nous allons fabriquer nous aussi des petits militaires, j’ai aujourd’hui 12.

Vous les civils, vous ne pouvez pas faire la concurrence pour les femmes. Ça c’était avant. Regarde le Général, lui il est particulier. Il faut interdire les marchés entre 10 heures et 11 heures. La femme trompe, mais le militaire, jamais. Est-ce qu’on a fait un coup d’Etat, des tromperies comme ça. L’ancien on l’a pleuré, on va pleureur aussi le Général. Mon frère il y a une autre mouche.

Fanta ? Fanta ?

Elle n’est pas là jusqu’à présent. Mon frère, une femme est un galon. Laissez notre Général en paix. D’ailleurs qui l’a nommé ? C’est vous ou nous ? Qui a voté sa Loi fondamentale ? C’est vous ou nous ? 99%, il a gagné, car comme la SOGETRAG nous les militaires on est 99% de la population, demandez aux blancs. Même à minuit, c’est les militaires que tu vois. Parce que si tu es civil, on te demande où est ta tenue. Notre Général est particulier, sinon wallahi, le 1% là qui reste, on les habille. Après, où est le problème ? Moi, j’ai fait toutes les guerres. Première, troisième guerre mondiales, Algérie, Mozambique, Liberia.

Hé ! Attends pour le Liberia, ça c’est autre chose. Ça ce n’est pas une vraie guerre. Ce sont des avantages là-bas. Tuer ton Président comme ça ? Moi je suis revenu vite. Mais c’était bon quand-même. J’ai eu un poste et une télé. Mais il n’y a pas de courant.

Mais, wallahi ! Pour nous ça s’améliore. Moi je n’ai peur de personne. Je suis comme le Général, il est particulier. C’est Dieu qui l’a mis là où il est. Peut-être que mon tour viendra.

Mais wallahi, j’ai des choses à dire et je le dirai. Tant pis si tu as des problèmes. Pour nous en tout cas c’est bon. Et ça va durer comme les rubriques nécros.

Williams Sassine

Billet

L’équilibre d’un Général

Mon premier salut sera sur vous, notre Général particulier. Le Pape est venu et est reparti emportant notre Saint Enelgui. Nous on reste avec les autres seins. Ceux qui tombent surtout.

Notre Général si particulier, on vous aime beaucoup. A cause de votre sens de l’équilibre.

25% de baisse chez les ministres et 25% de hausse des carburants. Quand il ne restera que vous dans le Gouvernement, les voitures ne rouleront plus et nos enfants pourront enfin jouer partout avec nos étudiants.

Je vous salue avec eux.

W.S