Cela dit, la junte ne devrait pour aucune raison reléguer au second plan les crimes les plus graves : les crimes de sang.

Le nombre de morts enregistrés ces dernières années dans les manifestations politiques et sociales ou en détention provisoire est estimé à plus de 400. Des détentions très souvent arbitraires ordonnées par des magistrats aux ordres. Bien que l’État ait toujours nié l’implication des forces de défense et de sécurité dans ces homicides, cela ne les exonère pas. À la longue liste de morts s’ajoute celle, plus longue encore, des mutilés à vie. La visite du Président de la Transition au cimetière de Bambeto est très significative mais demeure insuffisante en ce sens que ce n’est pas un acte de justice.

Certes, le Procureur Général près la Cour d’appel de Conakry a instruit les Procureurs d’instane d’ouvrir une information judiciaire sur les crimes commis aucours ou à l’occasion des manifestations politiques ou sociales. Mais comme s’il s’agissait de simples effets d’annonces, tout semble s’être limité à cette sortie. Depuis, l’on a entendu aucune autre communication sur cette question.

Des familles entières sont aujourd’hui dans l’impossibilité de faire leur deuil, car non seulement elles n’ont pas eu droit à la justice mais elles n’ont pas eu accès non plus à la vérité. Même les certificats de décès et les rapports d’autopsie leur ont été refusés suite aux menaces exercées sur les médecins par les autorités d’alors qui ont cherché à couvrir à tout prix les auteurs de ces crimes.

Les autorités de la Transition doivent corriger au plus vite cette injustice s’il est vrai que la justice sera désormais la boussole qui va guider les uns et les autres ainsi que tous nos actes.

Les attentes des familles et des défenseurs des droits de l’homme sur cette question sont très grandes. Et celle-ci sera le début d’un véritable processus de réconciliation nationale. Il est d’autant plus important de rendre justice que les présumés responsables de ces crimes sont presque tous identifiables. Certains d’entre les commanditaires ont perdu leurs postes, d’autres sont encore au sommet de l’État.

C’est seulement lorsque justice sera rendue que l’on pourra espérer que de tels actes ne se reproduisent pas dans notre pays. Pour cela, la partie officielle du CNRD devrait faire de cette question une priorité autant sinon plus que la croisade contre les bandits à col blanc, en donnant à la justice les moyens nécessaires à l’accomplissement de cette mission. Les guinéens n’ont pas besoin uniquement de la récupération des biens publics ou des fonds détournés par les  commis de l’État. Ils ont soif aussi et surtout de justice pour les morts et des blessés du fait des forces de défense et de sécurité.

SEKOU KOUNDOUNO RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC

MEMBRE DU RÉSEAU AFRIKKI NETWORK