Il est tout d’abord primordial de rappeler que la Guinée se caractérise par le fait qu’elle n’a, à date, jamais eu la chance de placer en responsabilité un président de la République disposant d’expériences et de références solides dans la gestion de la chose publique. Un président disposant d’une vision claire de la direction à faire prendre au pays nous a toujours échappé. Tous les anciens Présidents du pays étaient donc inexpérimentés avant de se retrouver, du jour au lendemain, projetés au premier plan. Donc les Guinéens doivent réaliser que les personnes qui ont défini les priorités du pays, fixé les grandes orientations pour la vie socio-économique de notre nation, piloté sa vie politique, défini les grands axes de notre vivre ensemble, étaient des néophytes et donc ignorant pour l’essentiel la pertinence ou non de la direction qu’ils faisaient prendre au pays. Cette affirmation est vraie de Sékou Touré à Mamadi Doumbouya en passant par Alpha Condé, tous des stagiaires en puissance au sommet de l’État. Le manque d’expérience des chefs d’État guinéens s’explique en partie par leur accession au pouvoir par des coups d’État, pour nombre d’entre eux. Alpha Condé en particulier, en dépit du titre de professeur des universités qu’il revendique, ne disposait d’aucune expérience gouvernementale ou de gestion de la chose publique avant son élection en 2010.

La Guinée a donc principalement souffert et continue de souffrir d’un problème de leadership qui trouve sa source essentielle dans les idées que le président se fait du pays. Un ministre, le premier d’entre eux fut-il, ne peut pas changer grand-chose à cette absence de vision qui a souvent caractérisé le Président guinéen.

Et c’est principalement en raison de ce manque d’expérience des premiers responsables de ce pays pourtant doté de ressources naturelles abondantes que la Guinée se retrouve dans la situation qui est la sienne aujourd’hui, et non pas de celui des anciens PM comme souhaitent nous le faire croire une certaine opinion. À titre d’illustration, il est une vérité acceptée de tous que seuls le hasard et la chance conduisent au trophée une équipe de football ayant à sa tête un mauvais entraineur, incapable de réagir adroitement aux nécessités d’adaptations tactiques imposées par les équipes adverses.

Dans les pays les plus démocratiques, le premier dirigeant tenu politiquement responsable des actes posés par un régime, c’est la personne qui a été élue et qui est directement redevable devant le peuple, et donc appelée à lui rendre des comptes plus directement. En Guinée, c’est le phénomène inverse qui s’observe. Le président est toujours considéré comme un demi-Dieu, au-dessus de tout reproche, et les PM servent de fusibles et doivent assumer la responsabilité politique pour le compte du président. Cela doit changer.

En outre, comment comprendre que les Guinéens soient attachés à une adéquation systématique entre le profil des personnes choisies comme ministre et le département ministériel qui leur est confié d’un côté, et en même temps nos concitoyens font preuve de complaisance inquiétante quand il s’agit de choisir la personne qui doit décider de notre destin. En d’autres termes, pourquoi ne jamais veiller, exiger en toutes circonstances que le choix du président soit basé sur sa vision, son leadership, son expérience et ses compétences ?

Il est incompréhensible d’attendre des ministres une maitrise de leurs dossiers, mais complaisant envers un président sans vision claire pour le pays.

Les situations actuelles du Sénégal et de la Côte d’Ivoire sont hautement illustratives à ce titre. Ces deux pays ont fait le choix de responsables politiques disposant d’une expérience solide dans la gouvernance et les succès ne se sont pas fait attendre. MM. Macky Sall et Alassane Dramane Ouattara, deux anciens commis de l’État ayant occupé des postes de responsabilités gouvernementales antérieurement à leur accession à la fonction suprême, tirent leur pays vers l’essor économique et consolident les institutions et organes de l’État, pour avancer, toujours plus, vers une véritable démocratie. Les deux consolident et bâtissent des infrastructures dont les captures d’écran pullulent sur les réseaux sociaux de jeunes guinéens. Cela démontre que la gestion de ces pays voisins fait des envieux et crée de la jalousie auprès de nos concitoyens. Cela prouve surtout à suffisance qu’avoir en son sein des hommes d’État est une chance à saisir, et qu’il serait suicidaire de sacrifier les seuls dont nous disposons au nom de sombres motivations.

C’est en ce sens que nous devons considérer M. Cellou Dalein Diallo et M. Sidya Touré, comme de véritables chances pour ce pays. Tous deux disposent d’expériences significatives dans la gestion de la chose publique et d’un bon carnet d’adresse, choses essentielles dans le concert des nations. Ils semblent tous deux avoir développé et aiguisé leurs visions pour ce pays depuis leurs passages respectifs aux responsabilités gouvernementales.

De notre point de vue, l’essor et le développement économique de la Guinée ont de très grandes chances de se réaliser rapidement avec l’un ou l’autre de ces deux responsables politiques. Sans ces deux anciens PM, cette tâche relèvera sans doute du même hasard, du même amateurisme qui a toujours prévalu dans la conduite des destinées de la Guinée depuis 1958.

Fort malheureusement, nous nous plaisons en Guinée dans l’humiliation de nos élites au lieu de les célébrer et leur exprimer notre reconnaissance pour le service tant soit peu rendu au pays. Bien entendu, cela ne doit pas occulter l’exigence de rendre des comptes à l’égard de nos gouvernants tant que cela relève d’une justice indépendante et soucieuse de la garantie des droits, la présomption d’innocence, la dignité humaine et le respect de l’homme.

Notre propos ne consiste pas à dire qu’ils seraient les seuls capables pour diriger le pays, mais simplement qu’ils présentent des références les plus robustes qui éviteront au pays les atermoiements que nous observons encore aujourd’hui à la tête de l’État.

La junte militaire s’inscrit paradoxalement en droite ligne des pratiques des régimes précédents dans sa volonté d’éliminer de la course des responsables politiques qui sont potentiellement présidentiables et pourraient représenter le salut pour le pays. C’est enfin malheureux de constater que la nébuleuse de CNRD trouve des compatriotes pour croire et soutenir son entreprise de discrédit de cette élite de la Guinée.

(LeJour LaNuit) Karamoko Kourouma