Les assises nationales, trouvailles des Colonels pour résoudre les problèmes de cohabitation des Guinéens afin de les réconcilier, ont clos portes et fenêtres le vendredi dernier. Et depuis, on est en pleines conjectures. Pour les flagorneurs de la junte, le succès est certain. Ils jubilent. Pour ceux qui, par principe, n’ont pas d’atome crochu avec la grande muette, tout n’a été qu’hypocrisie, une histoire de poker menteur.
Convenons que des Guinéennes et des Guinéens se sont retrouvés, se sont regardés les yeux dans les yeux, se sont parlé, se sont écoutés et se sont séparés. On a entendu des victimes conter leurs affres. Beaucoup n’ont marmonné que la destruction de leurs biens et parfois les sévices corporels et moraux qu’ils ont subis. Peu ont osé reconnaître les énormes préjudices qu’ils ont infligés aux autres. Nul ne s’est aventuré dans les charniers. Ni les victimes ni les coupables. La pudeur a- elle étreint les uns et les autres au point d’annihiler en eux un sentiment aussi tenace que celui du devoir mémoriel ? On demeure dubitatif. Les parents des nombreux ministres, ambassadeurs, hauts fonctionnaires, opérateurs économiques pendus sous le pont du 8 novembre et dans les 33 régions ou morts de diète noire peuvent pardonner ces crimes mais certainement pas dans une organisation qui souffre d’un déficit évident de professionnalisme et qui est plutôt un modèle réussi de dilettantisme. L’impréparation des assises a été constatée et dénoncée par maints acteurs notamment de la société civile. L’entité de pilotage des assises, le Comité national des assises n’a-t-elle pas été pensée et mise en place que bien après l’ouverture des travaux par le Colonel Doum-bouillant. Tout le long de la phase préparatoire de cette initiative, personne dans l’entourage du CNRD et du PM Béa n’a rêvé à l’utilité d’un tel machin incontournable pourtant dans un processus. C’est donc dans la précipitation que le CNA a été composé. Dans ces conditions a-t-on pu sélectionner les femmes et les hommes les plus aptes à porter le sacerdoce dont ils ont la charge ? Aussi de nombreuses voix ont noté le manque de termes de référence qui est devenu depuis belle lurette la boussole des projets. Sans cette réflexion, le processus d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi-évaluation, est vain. Ce qui est encore plus grave et qui aurait dû alerter le CNRD, c’est le rejet des assises aux orties par une masse critique d’acteurs politiques et sociaux qui est donc restée totalement en marge de cette dynamique. Avec son input intellectuel, relationnel mais aussi de coaching et de casting. Peut-on parler de démarche inclusive et de réconciliation nationale en feignant d’ignorer l’absence de l’UFDG, de l’UFR et du FNDC aux assises ? Ce n’est ni sage, ni sérieux. Quel objectif vise-t-on ? Des stratagèmes dilatoires pour proroger la transition ou la quête d’une société guinéenne véritablement et durablement réconciliée, apaisée et résolument tournée vers le progrès pour assurer le mieux-être des communautés qui la composent. Comme ces assises n’ont été ni minutieusement préparées ni inclusives, elles risquent d’être un coup d’épée dans l’eau. Le Colonel ne mérite certainement pas cela, kâ !
Abraham Kayoko Doré