Le Président de la République vient d’annoncer le lancement prochain d’une nouvelle chaîne de télévision publique dédiée à l’éducation et à l’entreprenariat. Au lieu de jubiler, je me suis posé la question: une nouvelle TV pour quelle utilité ? Je répondrai à cette question plus tard.

Le  Colonel Doumbouya semble une nouvelle fois marcher sur les traces de ses prédécesseurs. Le Président le sait peut-être, la Guinée dispose de sa radio bien avant l’indépendance. Il aura fallu cependant attendre le 14 mai 1977 pour que le jeune Etat se dote de sa télévision grâce à la coopération libyenne. Le petit écran, noir-blanc au départ, passera à la couleur en 1982.

En cette année 2022, notre télévision fête ses 45 ans. La Radiodiffusion télévision guinéenne a deux chaînes TV RTG Koloma, RTG Boulbinet.

Quarante-cinq après, nous devons faire le bilan de notre parcours. Il est peut être préférable de se poser la question suivante : que reste-t-il de notre radiodiffusion ?

La deuxième République, qui a obtenu la construction d’une nouvelle maison de radiotélévision avec l’aide de la Chine, a conservé Boulbinet. Du coup, Koloma est devenu la RTG 1 et Boulbinet, la RTG 2. Chacune des maisons dispose de deux  radios (Radio nationale à Koloma et RKS, Radio Kaloum Stéréo à Boulbinet). Il y a eu une troisième radio, la RGI, Radio Guinée Internationale. Elle a disparu avant l’avènement des radios privées.

La RTG, fidèle à sa mission, informe, éduque, sensibilise et distrait. C’est une fierté nationale même si elle n’est pas à l’abri des critiques.

Mais la RTG dans son ensemble traverse une période difficile. A Boulbinet, la télévision a cessé de diffuser depuis plusieurs mois à cause de difficultés techniques. La direction de la RKS, tente de temps en temps de remettre la radio sur orbite. Les difficultés se sont aggravées du pillage de la maison à la suite au coup d’Etat du 5 septembre dernier.

La RTG Boulbinet relevait jadis de la RTG Koloma. Elle a été érigée en Direction générale après l’élection du professeur Alpha Condé à la tête du pays. Aujourd’hui, elle est rattachée de nouveau à Koloma, pour une Direction générale unique.

La RTG 1 ou Koloma est logée dans un bâtiment moderne, mas elle n’échappe pas aux problèmes techniques. Son matériel vétuste (insuffisance de caméras, de tables de montage, cars de reportage en panne) ne permet pas au personnel de faire un bon travail. Ce personnel a d’ailleurs besoin d’une remise à niveau.

Selon Jeune Afrique, en 2012, la RTG ne couvrait que 40% du territoire national. Une situation facilement vérifiable dans la Guinée profonde : dans plusieurs préfectures, impossible de capter la radio nationale, la fréquence 88.5 est silencieuse. Un silence radio dû aux pannes fréquentes d’émetteurs, ou au manque de carburant pour alimenter les groupes électrogènes.

Le salut vient du réseau des radios rurales qui synchronise la grande édition d’information de 19h45. Grâce à cette « prouesse », les populations rurales arrivent à suivre les nouvelles, surtout celles du pouvoir central dont décrets, etc.

Heureusement, grâce au bouquet Canal+, il est possible de suivre la RTG Koloma lorsque le courant est au rendez-vous. Mais nous devons payer pour regarder notre propre télé ! C’est un recul grave. Il semble que le câble du TNT soit débranché ce qui fait que La RTG n’est plus accessible à travers une simple antenne externe. 

La RTG, c’est également les problèmes de gestion des ressources humaines. Plusieurs grandes figures ont quitté la boîte généralement à cause de règlements de compte érigés en mode de gouvernance. Les jeunes talents sont réduits au silence et n’arrivent pas à émerger. Le gros du travail revient aux stagiaires qui ne savent à quel ministre se vouer, tellement les promesses de recrutements ont fini par irriter plus d’un. 

La RTG a besoin de refondation. Dans sa grille des programmes, des heures importantes sont réservées à l’éducation et même à l’entrepreunariat. La grille peut simplement être revue pour améliorer son contenu.

La RTG génère des ressources à travers la publicité et les publireportages. Il n’est que de bien gérer cette manne et de revoir le mode de gouvernance de la boîte. La RTG est l’un des rares médias, pour ne pas dire le seul, à n’avoir pas de budget de production.

Il n’est donc pas nécessaire de créer une nouvelle chaîne de télévision publique qui va engloutir d’importants montants, qui, d’ailleurs risque de subir le même sort que la RGI, et de disparaitre avec la Transition.

Pour célébrer l’an 45 de la RTG, ses responsables ont organisé une lecture du saint Coran et un sacrifice à la mémoire des anciens qui sont décédés. Ces anciens qui ont tout donné au pays sont morts dans la pauvreté et dans l’indifférence générale. Des prières ont été formulées et des plaidoyers adressés aux autorités pour une oreille attentive face aux souffrances de la RTG.

Chez nos voisins ivoiriens, la radio et la télévision publiques sont en plein essor. Créée en octobre 1962, la RTI, Radiodiffusion télévision ivoirienne compte 750 employés, une Direction générale et un Conseil d’administration. Avec un capital de six milliards de francs CFA, la RTI a trois télévisions : la RTI 1 (généraliste et institutionnelle), la RTI 2 (divertissement) et la RTI Bouaké (régionale). Il y a Radio Côte d’Ivoire et Fréquence 2 (consacrée aux jeunes), il y en a plus, RTI info et RTI mobile.

D’aucuns vont nous dire, les dirigeants guinéens vont faire dans la même diversification de chaines. Seulement, en Côte d’Ivoire, les médias d’Etat disposent de moyens. La RTI  1 couvre 75% du territoire  avec 25 puissants émetteurs, la RTI 2 diffuse sur un rayon de 150km autour de la capitale. Les deux radios sont reçues dans les foyers par faisceaux hertziens et sur satellite.

La RTG avec ses deux TV et deux radios a besoin d’un souffle nouveau, et pas de nouvelle concurrence, surtout interne.

Mamadou Samba Sow,

journaliste stagiaire à la RKS