Torture, arrestations, intimidations et multiplication des convocations, la liste des violences et pressions commises par l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) de la République démocratique du Congo (RDC) envers les journalistes s’allonge, alerte Reporters sans frontières (RSF). Les espoirs fondés par les états généraux de la presse s’estompent et l’étau se resserre sur la liberté de la presse dans le pays.
Le 18 mai à Boende, dans la province de la Tshuapa au Nord-Ouest du pays, la scène est invraisemblable. Au siège local de l’ANR, autorité rattachée au gouvernement et chargée de la sûreté du territoire, les journalistes César Sabiti de Radio Tshuapa, Samuel Mutela de Radio Libéral FM et Junior Batungole de Radio Boende, sont menacés par le directeur local de cette agence, avant d’être déshabillés et placés en détention. Pendant plusieurs heures, ils seront torturés et privés de nourriture.
Libérés depuis, l’un d’entre eux, Samuel Mutela, a dû être admis dans un centre de santé local pour des blessures infligées par les actes de torture.
«Il est hallucinant de déshabiller des journalistes et de les soumettre à de la torture et autres traitements dégradants. Ceci est un sombre indicateur de l’état déplorable de la liberté de la presse et illustre les risques auxquels les journalistes arrêtés font désormais face aux mains de l’ANR en RDC, déclare Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique de l’Ouest à RSF. Les autorités doivent ouvrir une enquête impartiale et sanctionner les auteurs des actes de torture, et mettre fin aux intimidations des journalistes, surtout par l’ANR, irrémédiablement devenue un bourreau les professionnels des médias.»
Plus tôt dans la journée du 18 mai, les trois journalistes avaient été convoqués un à un au siège local de l’ANR au sujet d’une émission – «Parlons de l’éducation» – diffusée sur Liberal FM, qu’ils avaient animée quelques jours auparavant. Durant celle-ci, le trio était revenu sur les irrégularités dans la tenue des épreuves du baccalauréat.
Depuis le début de l’année, au moins une dizaine de journalistes ont été interpellés ou menacés par les services de renseignement, au mépris de la loi, qui exige que seul le procureur peut constater une infraction et convoquer un journaliste en cas de délit de presse ou de faute déontologique.
En RDC, les services de l’ANR exercent un contrôle étroit de l’information en ayant recours à des techniques policières d’intimidation graves et des traitements dégradants. Au mois d’avril, le directeur de la Radio Télévision Bannig et Développement (RTBD), Jonathan Mesa Luma, et l’un de ses journalistes, Mardochée Tayeye, avaient été inquiétés par l’ANR pour une émission qu’ils avaient animée. Après de longues heures d’audition, ils avaient fini par être relâchés, mais contraints de remettre la cassette de l’émission incriminée.
Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de cette situation, d’autant plus que les états généraux de la presse, organisés en janvier dernier, avaient insufflé un vent d’espoir pour une presse plus libre. Malgré les promesses du président Félix Tshisekedi « d’humaniser l’ANR », RSF craint un retour des anciennes méthodes répressives utilisées sous le régime de l’ancien président Kabila.
La RDC occupe la 125e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.
Reporters Sans Frontières