Billo KANTE, natif de Dongora (Labé), une des figures marquantes de la diaspora guinéo-africaine et de la communauté ultra-marine en région Occitanie, est décédé à l’hôpital de Foix le 2 mai 2022. Son jeune frère, le journaliste et écrivain guinéen arrivé de Lyon, lui a adressé cet hommage à son enterrement le 7 mai au cimetière Terre Cabadede Toulouse.

Chères toutes et tous, merci d’être venues (s) si nombreuses (eux) à nos côtés en ce moment si douloureux !

Le décès et l’enterrement de mon grand-frère, de notre grand-frère, puisque nous sommes quand-même deux petites-sœurs et neuf petits-frères au total à être nés après lui dans notre famille à Labé, en République de Guinée ! …

Ton décès ? Ton enterrement ? Cher frère, Koto Billo, Koto Tierno, Kot Tierno, pour t’appeler plus vite, je ne m’y attendais pas du tout ! Pas cette année, pas aujourd’hui ! Je n’aurais commencé à y songer que dans une décennie, c’est-à-dire au début de celle qui t’aurait fait tutoyer l’âge de notre mère centenaire, elle-même fille et petite-fille de mère et de grand-mère centenaires !

Aurions-nous donc plus hérité de notre père qui a tiré sa révérence avant d’être octogénaire ?

Septuagénaire moi-même, j’aurais en tout cas été averti : par l’ADN matriarcal, nous pouvons ne pas être protégés ! …

J’aurais tellement à dire sur toi, notre grand-frère puisque très grand – qui plus est ! –  tu étais, que je n’évoquerai ici que trois éléments du portrait, la «photocopie» de notre père à toutes et à tous, comme disent les plus jeunes, l’un et l’autre que j’ai en filigrane dans la plupart de mes écrits. Telle la silhouette de Hitchcock passant à un moment donné dans ses films.

Fuyant la Guinée au moment de l’emprisonnement et de la répression (dans les années 60)  des enseignants et des étudiants par le régime foulant aux pieds l’idéal de liberté de l’indépendance et te réfugiant en Sierra Leone pour commencer, tu as terminé ainsi ta première lettre à nos parents pour les mettre devant le fait accompli : votre fils à jamais !

Maîtrisant moins bien les subtilités de la langue française à l’époque, combien la formule m’a torturé ! Exilé, tu ne serais plus le fils de nos parents ?

Mais, voilà qu’obligé de prendre le chemin de l’exil à mon tour, cinq ans après toi, persécuté par une soi-disant Révolution, devenue globale et multiforme, Ô Toulouse, la bouleversante chanson de Claude Nougaro (puisque tu as trouvé accueil et fondé famille dans la Ville Rose) est devenue l’hymne naturel et pas du tout paradoxal du pays quitté et Nougaro mon chanteur-phare !

Que tu tires ta révérence aux lendemains du 1er mai me permet de te distinguer de ces tonitruants haut-parleurs du travail, des plus démagos aux plus vertueux : travailler plus pour gagner plus, travailler moins pour vivre mieux ! Toi, tu as été de ces travailleurs dans le vrai, dans le dur, été comme hiver, sur divers chantiers avant d’en diriger quelques-uns aussi bien en France qu’en Europe. Et, sur le fronton de maintes réalisations devrait être écrit ton nom !

Né Français dans la Guinée française en 1942, tu as réintégré la nationalité hexagonale quand cela était encore possible, après l’avoir perdue à l’indépendance de la Guinée et comme il me plaît de le dire souvent, nous avons bel et bien été Français, longtemps avant beaucoup de patriotes de pacotille actuels.

En cette terre de France, tu reposeras en paix à côté de Patrice votre fils, à Josette et à toi. … La famille de Guinée, par ma voix, y consent. Toutes les terres sont la terre !

Josette, ta compagne, Nadia, Murielle, tes filles, Eloise, Raphaël, Hadrien, tes petits-enfants Pierre, Lionel, tes gendres, leurs familles et alliés, les membres des associations guinéenne, africaine, ultra-marine au sein desquelles tu as été actif, les amis, les anciens collègues, la famille Kanté en région Rhône-Alpes (Martine et moi-même), la famille de Martine et tous nos amis, celle de notre fils, Yves-Dian, à  Lisbonne, Sylvie, Mayra, Lewis, s’inclineront sur ta tombe à diverses occasions.

Repose en paix, cher Grand-Frère ! Pas besoin de te décrire l’ampleur des cérémonies de compassion, de prières et de sacrifices, spontanément organisées à Labé et qui ont rassemblé toutes les familles : des Bah, des Baldé, des Bangoura, des Barry, des Camara, des Cissé, des Diallo, des Sako, des Sow, des Sy, des Tounkara, des Zoumanigui… (que celles que j’aurais oubliées me le pardonnent !) à l’annonce de ton décès… le jour même de la rupture du jeûne. Ce qui, là-bas, est un signe particulièrement éloquent de bénédiction.

Koto Tierno Billo, Yo Allah Hinnoma Yaafoma !

Ton frère, Cheick Oumar Kanté