Sauf changement de dernière minute, Labé accueillera la troisième étape des activités immersives du gouvernement. Après donc la Forêt et la Savane, le gouvernement Béavogui va arpenter les montagnes du Fouta. Et durant la semaine du 6 au 13 juin, les membres du gouvernement, chacun selon son secteur, communieront avec les populations pour s’enquérir des réalités. Labé, faut-il le rappeler, a été l’une des rares régions du pays qui n’a pas abrité les fêtes tournantes de l’indépendance, initiées par Alpha Condé en 2012.  

Sally Bilaly Sow, journaliste, blogueur et activiste, basé à Labé, voit d’un mauvais œil l’initiative qu’il qualifie en général de « folklorique ». « Tous, nous connaissons les maux de la Guinée et le président de la junte les avait listés comme étant les raisons qui expliquaient la prise du pouvoir par le CNRD. Pour moi, toute idée ou action qui consiste à aller sur le terrain quémander des idées à la population est une manière de gagner du temps. Ils veulent juste nous enfumer. Il faut plutôt s’occuper des affaires courantes et mener le pays à l’ordre constitutionnel.  Je ne vois pas ces gens comme des agents de développement. Je demande aux Guinéens d’être prudents avec cette junte, il ne faut pas lui montrer que nous sommes dans le besoin. Sinon, il le prendra comme prétexte pour se maintenir au pouvoir. »

Selon Sally Bilaly Sow, l’équation c’est comment « vite et bien » sortir de la transition. Il invite ainsi les autorités à « avoir le courage et être sincères, faire de l’inclusion promise une réalité sur le terrain, éviter d’utiliser le passé pour affaiblir ou éliminer certains. Je pense par exemple à Kassory, qui n’a certes pas été blanc dans sa gestion, mais il ne faut pas qu’à chaque fois qu’on lui accorde une liberté sous condition, on sorte d’autres arguments pour les maintenir en prison, lui et ses co-accusés. Le mieux, c’est de dire clairement ce qu’on leur reproche, qu’on les juge ! S’ils sont coupables qu’on les condamne ! »

L’activiste est plutôt préoccupé par ce qu’il considère comme « la nouvelle forme de colonisation » dont sont victimes certains pays comme la Guinée. « Nous voyons souvent à la télévision des dons d’équipements informatiques et autres, à travers lesquels on récupère nos données. Nos gouvernants n’arrivent pas à comprendre que l’avenir ce sont les données. Aujourd’hui nos passeports, nos permis de conduire, même notre data center, tout est géré par des étrangers. Nous ne sommes pas capables de discuter de la gouvernance de nos données. Ce sujet est relégué au second plan », a observé le fondateur de villageois2.0, une plateforme qui forme et sensibilise les jeunes sur les avantages et les inconvénients des technologies de l’information et de la communication, et, à travers internet, promeut, entre autres, l’ouverture des données et le contrôle citoyen.

Bâba Daghi