Je reprends mon stylo pour parler d’Assane Abraham Keita, directeur de publication de Le Lynx et de La Lance, décédé le 15 juin à Conakry de suite de maladie. La disparition de ce grand professionnel des médias a plongé sa famille biologique et professionnelle dans le chagrin et la compassion et laisse également un grand vide difficile à combler.
Le KAA, comme on aimait l’appeler à la rédaction, était jovial, attentif, méticuleux et grand observateur. Il était agréable avec son sens de l’humour, il savait décrisper l’atmosphère pesant notamment lors du bouclage. Ce moment de réflexion où il faut faire beaucoup travailler les méninges pour trouver de bons titres. Il savait vraiment détendre l’atmosphère. Le fait de consacrer l’essentiel de son temps à la rédaction du satirique Le Lynx prouve à suffisance l’importance que l’homme accordait au métier. Le journalisme c’était vraiment sa passion, sa vie. Grâce à son sens de l’humour et de l’ironie, le KAA avait réussi à avoir la sympathie de tout le monde. Il avait trouvé un petit surnom à tous les membres de la rédaction. Même le patron, « Yala Le Gros-Lynx », n’a échappé à la règle.
Le KAA accordait une attention particulière aux jeunes stagiaires notamment aux filles qu’il aimait bien chahuter, mais dont il restait très rigoureux pour leur formation professionnelle. La langue de Molière, il l’aimait bien au point de la maîtriser. Sans cesse, il invitait à bien apprendre cette belle langue. Cet excellent outil de travail. « Il m’arrivait parfois d’avoir des petits problèmes d’orthographe. Lorsque je lui demandais le sens d’une expression ou l’orthographe d’un mot, il me répondait volontiers. Mais, il ne manquait pas d’ajouter : Tête, c’est pas tête hein ! ».
Très doué, le KAA savait imiter la voix des autres. Lorsque vous l’entendiez imiter le Responsable suprême de la révolution, Ahmed Sékou Touré, vous seriez surpris tellement qu’il savait le faire. Le KAA faisait partie de ces nombreux guinéens qui avaient fui la dictature de Sékou. Il ne souhaitait pas du tout voir son pays qu’il aimait tant se retrouver dans cette lamentable situation. Son nom est lié à celui du Lynx. Qu’on le veuille ou pas, ce satirique a joué un rôle majeur dans l’instauration de la démocratie, d’un Etat de droit et de la Liberté d’expression en Guinée. Ce dur combat, Le Lynx l’a mené pendant le régime militaire du Général Lansana Conté. D’ailleurs, le KAA aimait bien retravailler le discours de celui-ci qu’il pimentait et que les lecteurs appréciaient.
Fils de Pita, Kéïta Assan Abraham aimait tous ceux qui sont originaires de cette préfecture. Il les chahutait et leur montrait de la sympathie. Il surnommait les personnes qui connaissaient bien Pita, (Pitakas) et (Piteux) celles qui sont originaires, mais qui ne la connaissaient que de nom.
Feu Assan Abraham était devenu ces derniers temps un adepte de Facebook. Avec ce moyen d’information et de communication des temps modernes, il ne s’ennuyait pas devant son écran d’ordinateur ou de téléphone portable. Le foot était bien sa tasse de thé. Sa préférence était le Real Madrid. Il avait également de la passion pour la lutte traditionnelle sénégalaise. Classe, il aimait la sape et les bons parfums. Il avait le goût pour les bonnes choses. Musulman convaincu, il ne ratait pas les prières quotidiennes et aimait les chansons religieuses. Il avait même aménagé un petit coin de prière dans la salle de rédaction. C’est ce qui lui a valu le surnom AyatoLynx. Après trois mois de maladie, le KAA a succombé. Il nous quitte à un moment où on s’attendait le moins. Mon Koto, mon directeur, repose en paix ! Tu vas beaucoup nous manquer. Eh, oui !
Bah Mamadou