Aboubacar Soumah a des démêlés judiciaires depuis quelques jours. Le leader du parti GDE est inculpé par le parquet de Mafanco pour « Violences et menaces » sur la personne du journaliste Ahmed Camara. Son procès s’est ouvert ce 21 juin au Tribunal de première instance de Mafanco.

Son passage dans l’émission les « Grandes Gueules » d’Espace FM, le 15 juin, a mal tourné. Aboubacar Soumah a eu une altercation avec les animateurs dont Ahmed Camara.  Il n’a pas aimé qu’on le qualifie de promoteur de troisième mandat. L’interview a viré aux invectives. L’invité s’est déchaîné sur Ahmed Camara. Il n’en fallait pas plus pour que le procureur de la République près le tribunal de première instance de Mafanco sorte de ses gongs, se saisisse de l’affaire. Il met en branle la gendarmerie de Matoto. Elle tente de happer le politicard devant la radio Espace. En vain. Une convocation lui a finalement été envoyée. Après deux jours de garde à vue, Aboubacar Soumah est déféré à Mafanco, placé par après, sous mandat de dépôt.

A l’ouverture de son procès ce lundi, l’ancien député uninominal de Dixinn a plaidé non coupable. Il explique avoir été provoqué par Ahmed Camara : «Je dirige un parti et une coalition politiques, j’ai été invité dans ce sens. Mais dès le début de l’émission, j’ai senti qu’ils étaient agressifs. Ils m’ont dit : “C’est vous qui avez mis en place les forces vives pour combattre le CNRD?” J’ai répondu : “Loin de nous de combattre la junte. Nous l’avons fait pour obtenir le dialogue et le retour à l’ordre constitutionnel. C’est là qu’ils ont dit que je suis un promoteur de 3e mandat, ils ont sorti un audio de 2018, alors qu’en 2019, j’ai déclaré dans leur studio même que nous étions contre le 3e mandat ». Selon lui, Ahmed Camara n’a pas aimé sa réponse et a voulu le ridiculiser : «Ahmed Camara est entré dans le studio pour dire : ” Laissez-les, ce sont des politiciens menteurs, de bordels (…) Je lui ai dit de ne pas m’insulter, il rétorque : “Je ne m’adresse pas à toi, mais aux politiciens’’, alors que j’étais le seul politicien dans ce studio. Je leur ai dit : “C’est comme ça que vous essayez de nuire à la réputation des gens, vous m’avez invité pour m’humilier“. Je leur ai demandé de ne pas m’insulter. Ahmed s’est levé directement, est venu s’arrêter devant ma chaise, en me traitant de menteur, de bordel.  Je l’ai pris au collet pour lui dire de ne pas m’insulter, ça a dégénéré un peu, parce que j’étais en colère. Mon honneur et ma dignité ont été atteints. »

Mais selon le prévenu, le DG d’Espace FM avait réussi à recoller les morceaux : «Quand les choses ont dégénéré, le directeur de la radio, Kabinet Condé, m’a amené dans son bureau, m’a demandé pardon. Les chroniqueurs eux-mêmes ont dit que l’affaire était réglée. Tout était entré dans l’ordre. Kabinet Condé m’a dit qu’on se quitte en bons amis.’’ Mais le DG de la radio Espace se serait rendu compte que quelqu’un aurait déjà informé la gendarmerie de Matoto : «Il m’a prié de rester dans son bureau, en attendant qu’il résolve l’affaire. Je lui ai dit de les laisser m’arrêter. Finalement, ils ont quitté, ont déposé une convocation à mon domicile le lendemain. J’ai été entendu à la gendarmerie, ordre a été donné au lieutenant Koma (enquêteur) de me libérer. J’étais sur le point de sortir, leur chef est venu me dire qu’il a reçu ordre de me retenir pour des faits d’enquête. Finalement, le procureur m’a envoyé à la Maison centrale pour, dit-il, ma propre sécurité. »

Dans ces réquisitions, le représentant du ministère public s’est évertué à démontrer que « l’affaire Soumah n’est pas politique. Ce n’est pas un acharnement, mais une question de justice sociale. Ce dossier n’est en rien une intimidation. » Il demande au tribunal de retenir Aboubacar Soumah dans «les liens de la culpabilité, tout en le dispensant des peines qui résultent de la condamnation. Ceci, pour ne pas que la condamnation ne soit mentionnée sur son casier judiciaire. Donnez-lui l’occasion de continuer sa bataille politique. »

Les avocats de la défense contestent ces réquisitions. Selon eux, le parquet cherche à cacher son excès de zèle et la politisation du dossier : « Lorsque j’ai entendu le procureur parler de trouble à l’ordre public, j’étais dépassé, parce que c’est une contre-vérité grave. Si Aboubacar Soumah n’est pas victime d’intimidation, on tente alors de le museler. La vérité est qu’on a grossi les faits, c’est du populisme judiciaire », s’exclame maître Mohamed Traoré. Il demande au juge de prononcer purement et simplement la relaxe. Me Dinah Sampil de renchérir : «Examinez ce dossier dans le sens de l’excuse de la provocation. C’est légal ».

Au moment où nous écrivions cette dépêche, l’audience était suspendue.

Yacine Diallo