En dépit du caractère protecteur des textes qui régissent la magistrature guinéenne et l’amélioration très substantielle de la rémunération des magistrats en Guinée, il y a encore du chemin à faire pour une indépendance plus ou moins réelle de la magistrature en Guinée. Il est vrai que certains magistrats s’efforcent de sortir du lot en faisant honneur à la robe qu’ils portent. Mais le chemin est très long encore et parsemé d’embûches. Même lorsqu’un magistrat est victime d’une injustice flagrante, il y a toujours un de ses collègues qui est toujours prêt et pressé d’occuper son poste.

Les anciens se souviennent encore d’une histoire cocasse : en 2007, un magistrat qui occupait les fonctions de procureur de la République dans l’un des trois tribunaux de première instance de Conakry avait été suspendu et remplacé par un de ses collègues. En réalité, il avait été simplement sacrifié pour des raisons de real- politique. Son remplaçant était très à cheval sur la défense des intérêts des magistrats. Mais quand il a été nommé en remplacement de son collègue tombé en disgrâce, il était tellement content et pressé de prendre ses fonctions qu’il n’a pas attendu la remise des clés du bureau qu’il devait occuper. Il a fait recours à des menuisiers pour casser la porte du bureau et s’y installer. Il avait oublié tous les principes qu’il défendait auparavant. À chaque fois qu’un magistrat a des ennuis avec la chancellerie, il y a un de ses collègues tapis dans l’ombre qui veut occuper sa place.

Certains Gardes des Sceaux ont souvent joué sur cette boulimie de postes de responsabilité même au mépris de la violation de la loi, pour diviser les magistrats et faire passer les mesures les plus illégales. Très souvent, ce sont les avocats qui sont allés au front pour défendre non pas les magistrats mais l’indépendance de la magistrature. Celle-ci est en effet une garantie de bonne justice et non un privilège du magistrat. Quel est le justiciable qui ne serait pas en confiance lorsqu’il est convaincu qu’il comparaît devant des juges indépendants? C’est pourquoi, l’indépendance de la justice est l’affaire de tous.

Tant que certains magistrats n’auront d’autre souci que la quête des postes ou continueront à défendre leurs postes et non les principes qui leur sont communs, tous les régimes fouleront aux pieds ces principes.

Me Mohamed Traoré