La Guinée tient vaille que vaille, coûte que coûte et advienne que pourra, à organiser SA CAN de 2025 en partant de zéro. Et elle se dépêche lentement. Mais se rend-elle compte que ce défi est plus grand que celui du 28 Septembre 1958 pour engager le pari du lièvre et de la tortue ?

En faisant une comptabilité déductive, il reste pratiquement 27 mois pour le début de la compétition en janvier 2025, alors qu’à six mois, c’est-à-dire en juin 2024, la CAF viendra inspecter les infrastructures et les équipements requis. Ce facteur est nettement en défaveur de la Guinée. La durée des travaux et la remise des infrastructures étant prévues dans 24 mois, normalement en octobre 2024. Déjà, il y a forclusion. Pourquoi la CAF ne signifierait-elle pas sans détours à la Guinée qu’elle est scratchée ? Pourquoi joue-t-elle au jeu dangereux du chat et de la souris ?

Il y a danger partout dans cette affaire. La CAF a bien raison de se prémunir d’une éventuelle incapacité en cherchant un ou des lieux de parachutage, au cas où la Guinée, pour mille raisons, ne parviendrait pas à remplir ses engagements ‘’don quichottistes’’ de lutter contre les moulins à vent : D’abord, la FEGUIFOOT est suspendue. A-t-on déjà vu un Comité de normalisation organiser une CAN ? A-t-on vu un gouvernement de transition abriter une CAN ?

Cette dernière question pourrait être mise en sourdine parce que le gouvernement de l’ami Alpha Condé, qui avait obtenu l’organisation depuis 2014, mais qui s’était noyé dans un embrouillamini inextricable du troisième mandat pour en arriver là. Si les autorités actuelles de la transition guinéenne, en toute connaissance de cause, s’engagent sur leur honneur à relever ce défi, pourquoi ne pas avoir un peu de patience et être beaucoup indulgent pour « suivre le menteur jusqu’au bord de la pirogue », comme on le dit chez nous ?

Comme on l’a dit, les défis sont multiples : la situation politique est instable avec les manifestations des trublions du FNDC, des syndicats et des grèves, et surtout les engagements des sociétés adjudicataires des travaux de construction, d’équipement, de couverture médiatique, de transport et tutti quanti… Un vrai casse-tête. Il y aura des contentieux en vue. Certaines sociétés peu fiables et peu viables pourraient jouer à la Guinée le coup que le Cameroun a connu dernièrement pour finir tant bien que mal les travaux à la date limite. S’il faut remplacer une société par une autre dans un compte à rebours, on imaginerait mal l’enveloppe financière supplémentaire à débloquer. La Guinée a–t-elle prévu les contentieux juridiques à cet effet ?

Mais aussi, si la CAF attend que la Guinée s’engage dans les dépenses colossales pour lui retirer l’organisation au milieu du gué, ça va être un précédent d’autant plus indélébile que la Guinée n’a jamais organisé une CAN. Politiquement et moralement, c’est inadmissible. Le Sénégal, le Mali ont eu leur CAN, la Côte d’Ivoire aura la sienne. Si la Guinée ne l’organise pas en 2025, certains ne verront jamais cette fête du football continental avant 2050. Mais qui serait là encore, parmi eux, pour voir que les poules ont eu des dents ?

Le cas échéant, ils vont être amers de désespoir pour le restant de leur vie, comme certains gardent l’amertume de ceux qui avaient poussé Sarkozy à éliminer Kadhafi pour ouvrir la boite de Pandore au Sahel.

Le CNRD doit se prononcer de vive voix sur sa fermeté de pouvoir, ou de ne pouvoir, atteindre ce challenge, et quand on parle du CNRD, on ne parle pas du boxeur, qui avait mis par KO technique, par arrêt de l’arbitre son adversaire et challenger au premier round à Conakry, en 1998, ou quand c’était, d’ailleurs ? L’impossible n’est pas guinéen ? La question reste posée !

Moïse Sidibé