L’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) vient d’être décrétée pour suppléer (ou pour remplacer) le Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et l’Aménagement du Territoire (MUHAT) ?
Sur tout le territoire guinéen, les constructions sont anarchiques. Le plan d’urbanisation, les zonings et zonages ne sont pas respectés. On peut voir des usines polluantes au milieu des quartiers d’habitation à grande densité ; des constructions anarchiques sur les lieux d’évacuation des eaux de ruissellement et des eaux usées, provoquant des inondations, des destructions et des maladies. Pis encore, on peut voir des étages construits sur des murs de clôtures sans fondations appropriées qui surplombent des concessions avoisinantes…
Qu’en dira-t-on en cas d’un effondrement avec dégâts matériels et mort d’homme ? Qui prendra pénalement le pot cassé si de tels dossiers dorment depuis plus d’un an au MUHAT ? Des procès sont en vue. Cette rénovation urbaine voit-elle ce que les PME de ramassage des ordures font dans les quartiers ? Au lieu de fournir des poubelles à leurs abonnés, ces PME échangent des sacs sales et pollués entre les concessions. Ainsi, elles transportent les microbes et bactéries d’une concession à une autre. En cas d’épidémie, ça va se répandre comme trainée de poudre.
Les constructions anarchiques ne se limitent pas seulement chez les vivants. Au cimetière de Cameroun, il faudrait marcher sur une tombe pour aller à une autre. Déréliction totale des vivants pour les morts. Malédiction !
Cependant, il faut reconnaître un haut fait que personne d’autre n’aurait accepté et oser accomplir, celui de déloger Sydia Touré et Cellou Dalein Diallo. Suffisait-il de mettre un transfuge de l’opposition, en l’occurrence le porte-parole de l’UFDG, qui a retourné la veste pour porter la parole du CNRD, et qui a certainement ses raisons, pour exécuter cette tâche rebutante et jeter immédiatement ensuite le manche après la cognée ? Et dans cette exécution, les choses ont-elles suivi la procédure ? Si la procédure est sans reproche, il faut la porter à la connaissance de l’opinion. En toute connaissance de cause, il n’y a pas de raison que les manifestants et partisans s’opposent à la justice. La lutte contre la corruption est une action salvatrice et salutaire pour la Guinée de demain. Il faut prouver par A+B que Cellou Dalein et Sydia Touré étaient dans l’illégalité, et qu’ils ne sont pas en exil forcé. Qu’ils viennent alors répondre aux accusations. Sans cela, le travail n’est pas terminé.
Nettoyer les écuries d’Augias
Le jet du manche après la cognée dans chaque opération salvatrice du CNRD commence à faire foule. Les retraités spoliés pendant des années et des décennies de plus de 500 000 francs guinéens chaque mois viennent de voir leurs véritables dus avec soulagement; seront-ils dédommagés de toutes ces pertes ? Mais surtout, que fera le CNRD de ceux qui ont organisé cette magouille à grande échelle dans tous les secteurs de l’administration, et qui se promènent en toute liberté ? Dans chaque ministère, les DAF, les comptables et les DRH se sont plongés dans tous les bains huileux de la malversation.
Ceux qui pensent à une chasse aux sorcières ne sont que des partisans inconsidérés d’un système pourri jusqu’à la racine. La concussion et tous ses corollaires étaient institutionnalisés depuis le général Lansana Conté jusqu’à nos jours. Croit-on que l’assainissement du fichier de la Fonction publique est exhaustif, croit-on que celui de l’Education l’est aussi, pour ne parler que de ces deux secteurs ? Il y a des complicités bien huilées et bien enfouies indétectables.
Pour parvenir à éradiquer la corruption en Guinée, il serait souhaitable que la CRIEF ouvre un site pour permettre aux citoyens et aux anonymes de donner des indications sur tout ce qui est faufilé de fil blanc. Cette lutte est l’affaire de tous les citoyens. Cette hydre à sept têtes qui repoussent chaque fois que l’une est coupée est l’un des plus hardis et ardus des douze travaux d’Hercule. Pour nettoyer ces écuries d’Augias, il faudrait les laver à grande eau.
Parler des écuries d’Augias, c’est comme parler de la situation en Guinée. En effet, le gars Augias avait plus de 3000 chevaux, dit-on, qui ont déposé et amoncelé leurs fumiers pendant plus de 30 ans. Pour punition, le gars Hercule devait les nettoyer. Il trouva la solution radicale, celle de détourner un fleuve (lequel ?) et le diriger en direction de ces écuries, qui furent nettoyées à grande eau. Malin, cet Hercule. Le CNRD est aussi confronté à des malversations de plus de 30 ans, mais il ne sait pas par où et comment commencer sans provoquer des cris et contestations. Il veut manipuler la carotte et le bâton. Le président Jacques Chirac a dit qu’on ne gouverne pas un pays en ruine avec les caresses sur les joues, et que charbonnier n’a pas peur du noir, a dit l’autre.
Si cette corruption est éradiquée, les achats des consciences lors des prochaines élections peuvent de beaucoup diminuer. Dans ce cas, le prochain président pour diriger la Guinée sera proprement élu, qui ne doit rien à son ethnie ou à son argent, du moins, certains le voient ainsi.
Pour rendre la Guinée propre aux Guinéens, pour que tous partent sur le même pied d’égalité, il faudrait du temps pour séparer la bonne graine de l’ivraie. Si le CNRD échoue dans cette entreprise, cette ultime fois, ce serait adieu veaux, vaches, cochons et couvées. Et ce n’est pas la communauté internationale, quelle qu’elle soit, qui viendra faire le bon samaritain.
La CEDEAO a petit à petit compris de quoi il retournait dans les pays. Si elle ne peut pas dicter une ligne de conduite à tous les pays, qu’elle ne fasse pas de parti pris pour s’insurger mécaniquement à chaque changement de régime par un putsch. Lansana Conté a fait un putsch charognard, Dadis Camara a fait un putsch charognard, Mamadi Doumbouya a fait un putsch en bonne et due forme, parce que le plus grand Machiavel d’Afrique avait tout verrouillé pour briguer le troisième mandat en mettant sous l’éteignoir l’opposition politique et le FNDC. On a dit à Alpha Condé qu’il est le plus grand Machiavel, quand il était là ; on le redit maintenant qu’il n’est pas là, pour lui signifier qu’il reste et demeure un grand ami parce qu’il a toujours respecté une certaine liberté d’expression. Que d’autres ne voient cela comme un coup de pied de l’âne. Quant à ceux qui ont pris acte de tout cela pour s’insurger contre la fin de tout cela, s’il vous plait … !
Conflits de compétences
Les pauvres hères qui ont vu et vécu la traversée du désert depuis l’indépendance, et qui ont blanchi sous le harnais, s’ils ne peuvent contribuer au changement, ils n’ont qu’à se laisser mourir dans la lâcheté pour ne pas voir de leur vivant le rocher de Sisyphe rouler éternellement sur le dos de leurs héritiers, après avoir subi eux-mêmes ce sort toute leur vie durant.
Au fait, l’ANRU, cette Agence nationale de rénovation urbaine dont les ameublements sont connus, elle ne dit pas ce qu’elle veut dire. En cette période des travaux pour la CAN 2025 en Guinée, cette ANRU et le COCAN ne risquent pas un chevauchement. Certains verraient les Guinéens en train de courir deux lièvres à la fois.
En attendant de connaître la feuille de route (l’objectif, le chronogramme et le plan d’exécution des tâches de l’ANRU et du COCAN), certains ne voient rien d’autre qu’une institution de trop, qui risque de marcher sur les godillots du ministère de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire. Peut-être qu’avec le changement à la tête de l’Urbanisme, certaines clarifications seront données. Mais cette Agence aura-t-elle les moyens de sa politique ? « Rénovation urbaine », veut dire quoi, exactement ? Quelle est sa pertinence ?
Moïse Sidibé