L’Association des magistrats de Guinée ne s’avoue pas vaincue. Elle se tourne vers la Cour suprême pour régler le différend qui l’oppose au Garde des sceaux.

Entre Mohamed Diawara, président de l’Association des magistrats de Guinée (AMG) et Alphonse Charles Wright, ministre de la Justice, la guéguerre ne fait que commencer. Alors que le second a suspendu et fait remplacer le premier pour «manquement grave à ses obligations de magistrats», l’ex procureur spécial près le tribunal pour enfant a décidé de judiciariser l’affaire. Les avocats de Mohamed Diawara ont saisi la Cour suprême d’une requête aux fins d’annulation des actes pris à l’encontre de ce dernier. Ils estiment que Charles Wright s’est emmêlé les pinceaux, en sanctionnant directement le magistrat, sans passer par le Conseil supérieur de la magistrature. Ils se liguent aussi contre le fait que le garde des Sceaux n’ait pas fixé la durée de la suspension de monsieur Mohamed Diawara : «En ce qui concerne l’arrêté portant suspension de monsieur Mohamed Diawara, nous avons estimé qu’il manque de motivation. Il se borne seulement à aligner des qualificatifs de façon théorique sans citer les faits en lien avec les fautes disciplinaires reprochés au requérant. L’autre point qui entache la régularité de cet arrêté, c’est qu’il y a des vices de formes. Il fallait d’abord saisir le Conseil supérieur de la magistrature avant d’entreprendre une mesure de suspension. Le ministre de la Justice a mis la charrue devant les bœufs… Son arrêté est illégal», explique Maitre Pépé Antoine Lama.

L’avocat accuse aussi Charles Wright d’avoir passé outre les droits de la défense : «La possibilité n’a pas été donnée à Mohamed Diawara de se défendre avant qu’il ne soit suspendu… Le ministre a évoqué les articles 35 et 38 de la loi organique portant statut des magistrats, alors que les faits reprochés à notre client ne le concernent qu’en tant que président du Conseil d’administration de l’Association des magistrats de Guinée. Il n’a pas commis ces faits dans l’exercice de ses fonctions de magistrat. Il ne peut être sanctionné en tant que procureur spécial, alors qu’il a signé la déclaration en tant que président de l’AMG ».

Pour ce qui est de la nomination d’un procureur spécial par intérim, Me Pépé Antoine Lama croit savoir que la décision du ministre souffre également d’une « motivation erronée. C’est vrai que celui qui a été nommé a donné son accord, mais il est évident que le Conseil supérieur n’a pas donné son avis conforme et motivé pour cette nomination. Mieux, le ministre de la Justice n’est pas une autorité de nomination. Cela revient au Président de la République… Le ministre de la Justice s’est comporté comme une autorité de nomination. Raison pour laquelle nous sollicitons de la Cour suprême d’abord d’ordonner le sursis à exécution de ces deux arrêtés et prononcer, par la suite, leur annulation pure et simple afin de rétablir monsieur Mohamed Diawara dans ses droits ». La patate chaude est maintenant dans les mains de la Cour suprême.

Yacine Diallo