Même la morale la plus vénielle réprouve le comportement dont certains ont fait montre hier, lundi 12 septembre, lors de l’installation de la 14ème Législature issue des élections du 31 juillet dernier. Ils ont tout simplement prouvé à la face du monde que notre démocratie est malade de son institution parlementaire. Des images de députés détruisant des micros, écrasant des urnes, saccageant des sièges et bousculant des forces de l’ordre. Jamais dans l’histoire politique du Sénégal on a eu à assister à des scènes aussi chaotiques que surréalistes. On se croirait au colisée où des gladiateurs faisaient prévaloir l’argument de la force à la force de l’argument. Quelle honte !
Nous tirons ici notre chapeau à la présidente de la séance, Madame Aïda Sow Diawara qui est restée impassible devant de telles scènes. Faisant office de présidente de l’Assemblée nationale, le temps de l’installation de la 14ème Législature, elle pouvait pourtant décider de l’expulsion de tous les députés qui ont eu un comportement voyou en décidant sciemment de perturber le fonctionnement régulier de l’institution parlementaire. Une prérogative prévue dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale en son article 53 qui stipule que «le Président, seul, a la police de l’Assemblée. Il est chargé de veiller à la sûreté intérieure de l’Assemblée. Il peut, à cet effet, requérir la Force armée et toutes les autorités dont il juge le concours nécessaire. Cette réquisition peut être adressée directement à tous officiers et fonctionnaires qui sont tenus d’y déférer immédiatement, sous les peines prévues par la loi (article 3 de l’ordonnance n° 60-l4 du 3 septembre 1960). Il peut faire expulser de la salle des séances ou faire arrêter toute personne qui trouble l’ordre».
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude
Disons-le tout de go ! L’opposition est passée complètement à côté. Elle est arrivée hier, lundi 12 septembre, au sein de l’hémicycle en rangs dispersés. Yewwi Askan Wi avait son propre candidat en la personne de Barthélémy Dias (maire de Dakar), alors que Wallu avait porté son choix sur Mamadou Lamine Thiam. En face, la coalition Benno Bokk Yaakaar avait réussi à sortir de ses rangs, à la surprise générale, Dr Amadou Mame Diop (57 ans), maire de Richard-Toll, Directeur général de la Sapco. La messe semblait alors dite. Il fallait visiblement trouver un alibi pour bloquer le déroulement des activités. Ils ont alors brandi l’incompatibilité du mandat de député avec la qualité de membre du Gouvernement (article LO 155 du Code électoral) ; invoquant ainsi, l’article 110 du règlement intérieur qui dispose que «l’exercice de toute fonction publique non élective est incompatible avec le mandat de député. En conséquence, toute personne visée à l’alinéa précédent élue à l’Assemblée nationale est remplacée dans ses fonctions et placée dans la position prévue à cet effet par le statut la régissant dans les huit jours qui suivent son entrée en fonction, ou en cas de contestation de l’élection, dans les huit jours suivant la décision de validation (…)».
Or, il s’agit là d’un prétexte plus que fallacieux. On n’a pas besoin d’être agrégé en droit pour savoir qu’à travers n’importe quel texte de loi, il y a ce qu’on appelle l’esprit et la lettre. Ce qui donne lieu à des interprétations. Ces huit jours francs ne commencent qu’à partir de l’installation de l’Assemblée nationale et non avant. Les jurisprudences Mahammed Boun Abdallah Dionne, Amadou Bâ et autres Sidiki Kaba lors des élections législatives du 30 juillet 2017 en sont de parfaites illustrations. Alors, qu’on n’essaie surtout pas d’insulter l’intelligence des Sénégalais.
Nos députés gagneraient à avoir une attitude digne de leur rang de représentant du peuple. Hélas, ils ont failli dans leur comportement, dans leur discours, dans leur devoir d’exemplarité en écornant l’image de notre pays. Et que personne ne vienne nous dire ce qui s’est passé hier à l’hémicycle est le reflet de la société sénégalaise. C’est totalement faux ! Le peuple sénégalais a fini de démontrer sa maturité démocratique par les urnes. Il sait dire oui quand il le faut. Il sait aussi dire stop quand il en a assez. Que ceux qui se sont honteusement illustrés hier se le tiennent pour dit. Sinon le réveil risque d’être brutal.
La composition inédite de l’Assemblée nationale, avec une majorité et une opposition à force quasi égale appelle plutôt à des débats argumentés et sans concession pour déboucher par exemple sur le vote de lois, la mise en place de commissions d’enquête, ou autres auditions de membres du gouvernement, en capacité de faire évoluer positivement la société sénégalaise. Bien loin donc de ce spectacle affligeant et bien éloigné de toute élégance républicaine qui nous été servi hier et qui restera gravé comme un moment sombre de notre démocratie. Surtout qu’après, comme par enchantement, tous les députés, toutes sensibilités confondues, se retrouveront aujourd’hui pour la répartition des places de présidents de groupes et autres. Tout ça pour ça est-on tenté de dire. Scandaleux !