La lourde pathologie psychiatrique de l’agresseur présumé de Mamoudou Barry, ce chercheur guinéen mortellement roué de coups en 2019 à Rouen, a compliqué le début de son procès tenu devant la cour criminelle de Seine-Maritime le 14 septembre. Interné en hôpital psychiatrique dans une unité pour malades difficiles depuis son interpellation, l’accusé, âgé de 32 ans reconnaît d’un « oui » les faits, le regard dans le vide, depuis le box des accusés, encadré par deux soignants.

Cet homme souffrant de schizophrénie avec des troubles du comportement de type agressif est arrivé un peu plus tôt les mains attachées le long du corps avant que les soignants ne retirent ses liens. Mais la bouche trop ouverte de cet homme sous curatelle renforcée depuis 2013 rend souvent incompréhensibles ses réponses, au point que les avocats de la partie civile renoncent à lui poser des questions. « Je ne l’ai jamais vu comme aujourd’hui », assure sa curatrice à la barre. « Un certificat médical du 22 août dit qu’il est en état de comparaître sous réserve d’une médicalisation très lourde », ajoute l’avocate de la défense, Herveline Demerville.

Son client comparaît jusqu’à vendredi pour avoir le 19 juillet 2019 à Canteleu, dans la banlieue de Rouen, « volontairement commis des violences ayant entraîné, sans intention de la donner, la mort » de Mamoudou Barry, qui succombera le lendemain. Il est également poursuivi pour avoir commis ces faits en « raison de l’appartenance ou de la non-appartenance » de la victime à une « prétendue race ou religion déterminée ». Selon l’accusation, l’épouse de la victime et mère de leur enfant alors âgé de deux ans, a en effet « soutenu de manière constante que l’accusé avait tenu des propos racistes avant d’agresser son mari ». « Vous les noirs, vous êtes des fils de pute, on va vous niquer ce soir », avait lancé, selon la jeune veuve, présente au procès, le Français d’origine turque, faisant référence à la finale Sénégal/Algérie de la coupe d’Afrique des nations de football qui se jouait ce soir-là. Le chauffeur du bus dans lequel était monté l’agresseur après les faits a, en outre, indiqué l’avoir entendu dire « fils de pute de catholique ou chrétien ». La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) se sont portés parties civiles.

A la barre les parents de l’agresseur présumé assurent

ne jamais avoir entendu leur fils tenir de propos racistes.

En revanche, sa mère confirme avoir « peur » de sa « violence » et de sa « maladie », même s’il est « calme » depuis qu’il reprend son traitement, qu’il avait arrêté au moment des faits. Elle ajoute qu’il consommait de la drogue.  « Il a changé de comportement au départ de son père de la maison, il tapait ses sœurs », note-t-elle. « Son père me tapait dessus. Il a été violent plusieurs fois devant » son fils, ajoute-t-elle. Ce que le père confirmera à la barre. L’accusé a aussi souffert du décès de son petit frère lorsqu’il avait 4 ans, selon sa mère. « J’ai prévenu à plusieurs reprises la curatelle en amont pour lui dire que mon fils était en crise, qu’il ne prenait plus son traitement », se désole cette petite femme ronde, « j’ai prévenu la police (…) Ils m’ont laissé comme ça… »L’avocat de la famille de la victime, Antoine Vey, demande des explications. « Au niveau de l’hôpital, il n’y avait peut-être pas suffisamment de places d’hospitalisation », avance la curatrice.  « On envisagera peut-être la possibilité d’engager la responsabilité de l’État du fait d’un défaut de suivi », avertit cet avocat des parties civiles.

L’accusé dont le casier affiche trois condamnations, encourt 20 ans de prison à ce procès, qui doit se poursuivre jusqu’à vendredi. La violente agression de Mamoudou Barry avait suscité de vives réactions en France et en Guinée. 

Avec   AFP