Reporters sans frontières (RSF) condamne les graves menaces proférées contre le journaliste malien Malick Konaté après qu’il a participé à un reportage sur la présence de la milice russe Wagner dans le pays. L’organisation appelle les autorités à en condamner les auteurs et à protéger l’exercice du journalisme.
“Éliminez-le pour le bien du peuple”, “proie à abattre”, “ennemi numéro un du Mali »… Depuis fin octobre, les graves menaces proférées à l’encontre du journaliste Malick Konaté sur les réseaux sociaux n’ont jamais été aussi nombreuses et virulentes. Leurs auteurs, anonymes ou non, lui reprochent d’être un “traître” après la diffusion d’une enquête sur la présence de la milice privée russe Wagner au Mali, diffusée le 31 octobre sur la chaîne de télévision française BFM TV. Pourtant, Malick Konaté, directeur de la chaîne d’information en ligne Horon TV et journaliste reporter d’images (JRI) pour des médias internationaux, n’a fait que tourner des séquences vidéos pour le reportage, dont il n’est pas l’auteur.
“La situation du journaliste, extrêmement préoccupante, illustre la chute libre que connaît la liberté de la presse au Mali, déplore le responsable du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong. Malick Konaté craint pour sa vie simplement parce qu’il a effectué son travail de journaliste en participant à un documentaire. Les autorités doivent absolument réagir, et protéger l’exercice du journalisme et la liberté d’informer, dans un pays où les professionnels des médias ne peuvent quasiment plus exercer librement par peur de représailles.”
Un acte de “haute trahison”
Les menaces reçues par le journaliste ne proviennent pas que des internautes. Le 3 novembre dernier, le Collectif pour la défense des militaires (CDM), un groupe défendant les autorités de transition et les forces armées maliennes, a publié un communiqué sur Facebook qualifiant la participation de Malick Konaté au reportage “d’acte de haute trahison”, “irresponsable d’un soi-disant Malien à la solde de la France” et demandant l’ouverture d’une enquête.
Le lendemain, le journaliste a reçu un appel du commandant de la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ) l’informant qu’ils avaient “besoin de lui”. Ce jour-là et le suivant, des militaires habillés en civil se sont rendus à son domicile à Bamako, la capitale. Le journaliste était à l’extérieur du pays depuis septembre.
Depuis la prise de pouvoir de la junte en août 2020, Malick Konaté, accusé d’être un opposant au régime en place, est régulièrement la cible de menaces de mort. Le 4 juin dernier, les vitres de son véhicule ont été brisées par deux hommes à moto cagoulés devant les locaux de son bureau.
La restriction de l’espace médiatique
Depuis la diffusion du reportage et en moins d’une semaine, l’espace médiatique s’est réduit dans le pays. Le 3 novembre, la chaîne de télévision Joliba TV News, première chaîne d’information au Mali, connue pour son indépendance, a été suspendue pour deux mois par la Haute Autorité de la communication (HAC), l’organe qui régule les médias, pour avoir tenu, fin septembre, des propos critiques contre les autorités de transition.
Au Mali, les rédactions de presse étrangère ont toutes délocalisé leurs correspondants entre Dakar (Sénégal), Ouagadougou (Burkina Faso) et Niamey (Niger).
Plus tôt dans l’année, en février, le journaliste français pour Jeune Afrique Benjamin Roger avait été expulsé du pays moins de 24 heures après son arrivée à Bamako, faute de ne “pas être accrédité pour ses reportages”. Un mois et demi plus tard, la junte malienne a ordonné la suspension de RFI et de France 24 après la diffusion d’une enquête de RFI sur des exécutions sommaires et pillages présumés commis par les forces armées maliennes (FAMA) et les mercenaires russes du groupe Wagner dont la présence au Mali a été largement documentée depuis le début de l’année.
Le Mali est situé à la 111e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF publié en 2022.
Reporters Sans Frontières