Reporters sans frontières (RSF) et son partenaire Journalistes en danger (JED) dénoncent l’expulsion de la République démocratique du Congo (RDC) d’une correspondante de la presse étrangère. Les deux organisations demandent aux autorités d’en donner les raisons officielles et de cesser de durcir les conditions d’obtention des accréditations pour les journalistes étrangers.
C’est une expulsion manu militari. La journaliste française Sonia Rolley, correspondante en RDC de l’agence de presse britannique Reuters, a été expulsée du pays ce mardi 8 novembre, sans même avoir le temps de récupérer ses affaires. Les autorités n’ont encore donné aucune raison officielle de ce renvoi.
«L’expulsion expéditive d’une journaliste habituée à couvrir le pays est le dernier exemple d’une série d’atteintes à la liberté de la presse et à l’indépendance du journalisme, alors que la RDC s’achemine vers des élections importantes. Nous demandons aux autorités de justifier clairement le motif de cette expulsion et de cesser de durcir les conditions d’accréditation des journalistes étrangers», Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Sonia Rolley a longtemps travaillé pour Radio France Internationale (RFI) et est l’auteure de plusieurs enquêtes de référence sur la RDC, dont Congo Hold Up. Entrée dans le pays avec un visa de courtoisie pour couvrir une conférence sur le climat, elle avait obtenu la promesse et des confirmations écrites de son accréditation comme responsable du bureau de Reuters. Le visa touristique grâce auquel elle a pu rester dans le pays a brusquement été annulé le 8 novembre, lors de sa convocation à la Direction générale des migrations (DGM), d’où elle a été immédiatement conduite à l’aéroport de Kinshasa et embarquée sur un vol à destination de Paris. Son passeport lui a été remis à destination.
Sonia Rolley s’était déjà acquittée du paiement de la somme de 2 000 dollars américains, représentant les frais d’accréditation pour une durée d’un an. Or en RDC, la majorité des journalistes étrangers et locaux travaillant pour des médias étrangers obtiennent une accréditation de six mois dont le coût est de 1 000 dollars américains.
L’expulsion de Sonia Rolley intervient dans un contexte de multiplication des menaces et des pressions sur les correspondants de la presse internationale.
«L’expulsion de Sonia Rolley est un signal inquiétant dans un contexte sécuritaire et électoral qui s’annonce électrique, souligne le secrétaire général de JED, Tshivis Tshivuadi. Depuis la reprise des hostilités à l’Est entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, les autorités ne cachent pas leur volonté de museler la presse libre et indépendante, accusée de jouer le jeu de l’ennemi. ”
Dans son dernier rapport annuel d’observation et d’analyse sur l’état des médias et de la liberté de la presse en RDC, JED a enregistré au moins 124 cas d’atteintes à la liberté de la presse depuis le début de l’année. Comparés à l’année 2021 (110 cas) et 2020 (116 cas), ces chiffres sont nettement en hausse. A ces atteintes s’ajoutent, dénoncent RSF et JED, la dégradation de la situation sécuritaire des journalistes et la réduction des espaces de la liberté de l’information, à une année des élections présidentielles.
La RDC occupe la 125e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.
Reporters Sans Frontières